mercredi 28 novembre 2007

Paye cochon!

En France, les radars photo auraient rapporté environ 450 millions de dollars au gouvernement en 2006 et plus de 600 millions de dollars en 2007. À la lecture de ces chiffres, on comprend mieux l'intérêt que leur porte la ministre Boulet.


On nous prend vraiment pour des imbéciles. Quand la ministre des Transports, Julie Boulet, a présenté son projet de loi au bulletin de «nouvelles» de Radio Canada, la larme à l’œil, les sanglots dans la gorge, au lendemain de la mort tragique de Bianca Leduc, cette fillette de trois ans de l'Île-Perrot écrasée le soir de l’Halloween par un jeune chauffard, j’ai trouvé qu’elle faisait preuve d’un jaunisme digne du pire des tabloïds. Se servir d’un événement aussi tragique pour « faire passer la pilule » auprès des automobilistes et s’attirer l’approbation du public est non seulement honteux, mais répréhensible.

Surtout que plusieurs des mesures proposées par le gouvernement pour prétendument réduire les risques d’accidents sur les routes (radars photo, hausse des amendes et du nombre de points d’inaptitude perdus en cas d’excès de vitesse…) ne sont que des moyens détournés de remplir les caisses de l’État (en France, les radars photo auraient rapporté environ 450 millions de dollars au gouvernement en 2006 et plus de 600 millions de dollars en 2007). Si les arguments s’appuient sur de bons sentiments (un décès accidentel sur les routes est un décès de trop), les solutions préconisées ne vont pas toujours dans le même sens et dénotent un certain cynisme. Le problème, c’est qu’elles ne changeront pas le comportement des chauffeurs délinquants à long terme. Encore une fois, on préfère miser sur la répression que sur la formation.

J’en veux pour preuve les sanctions imposées au chauffeur de la ministre, surpris en flagrant délit d’infractions multiples au Code de la sécurité routière par un journaliste du Journal de Montréal (et non par des policiers – un point qui a son importance). À la suite de ce mini scandale qui a jeté un discrédit important sur la crédibilité de la ministre, il aurait été démis de ses fonctions et affecté à d’autres tâches. Quand Mme Boulet affirme ne pas avoir eu connaissance des agissements de son chauffeur (elle dormait à l’arrière de son auto, prétend-elle), elle n’assume pas ses responsabilités, mais, ce qui est plus grave, elle se moque de nous. Je doute que le comportement de son chauffeur ait été différent de ce qu’il est habituellement et que les scribes du Journal l’aient surpris justement le jour où il « pétait les plombs »… Je vous le dis, on nous prend pour des imbéciles!

On pourrait aussi polémiquer sur la baisse du taux d’alcoolémie de 0,08 à 0,05, soi-disant pour harmoniser notre législation avec celles en vigueur dans les autres provinces. Personnellement, je ne bois pas. La mesure ne me dérange donc pas. Mais je doute qu’elle modifie le comportement des buveurs invétérés, des alcooliques récidivistes et autres délinquants notoires. Par contre, le nombre de conducteurs qui seront verbalisés pour avoir légèrement dépassé la limite légale va exploser – en passant, ces « dangereux criminels » écoperont d’un casier judiciaire, ce qui n’est pas banal. Mais ce n’est pas grave, car pendant ce temps, les espèces sonnantes et trébuchantes vont remplir les coffres de l’État. N’est-ce pas ce que nous voulons tous?

Dans le même ordre d’idée, dans un mois la hausse du coût des permis et des immatriculations entrera en vigueur dans l’indifférence générale – vous l’aviez oublié celle-là? Si vous avez reçu votre renouvellement de permis dernièrement, vous remarquerez que son coût est passé de 43$ à 96$ par an pour les détenteurs des classes 5 et 6. Et si vous avez accumulé des points d'inaptitude dans les deux dernières années, ce montant peut atteindre, voire dépasser 200$ par an. Beau cadeau de Noël, n'est-ce pas? Et si vous êtes propriétaire d’une moto sport, le coût de l’immatriculation de votre «bombe roulante» passera de 320$ à 667$. Rappelons que ces hausses ont été rendues nécessaires – selon John Harbour, président de la SAAQ – en raison du déficit annuel moyen de 500 millions que la société a enregistré entre 2000 et 2005.

Si vous vous consolez en pensant qu’il est normal de contribuer plus parce que vous coûtez plus au système, ou parce que vous êtes convaincus que les motocyclistes des autres provinces sont plus mal lotis que vous, détrompez-vous! Par contre, vous serez content d’apprendre que M. Harbour estime pouvoir résorber ce déficit d’ici quatre ans et envisage même la possibilité de réaliser des surplus d’ici 2011 (c’est du moins ce qu’il a annoncé dans une entrevue au Soleil le 26 novembre dernier). L’organisme pourrait donc renouer avec les surplus, comme dans les années 80 et 90, au temps où le gouvernement du Québec a pigé plus de 2 milliards $ dans les fonds appartenant à la SAAQ. L’ironie, c’est qu’aujourd’hui on vous fait payer pour ça. Sans qu'on n’améliore le réseau routier pour autant (vous avez entendu parler des ponts et autres viaducs, je suppose…)

Le cynisme de nos gouvernants, et plus généralement des hommes politiques, a atteint des sommets ces dernières années. Non contents de nous faire payer pour leur mauvaise gestion ou pour leur incapacité à prendre les mesures qui s’imposent, au moment où elles s’imposent, ils nous demandent d’être contents de cette situation et voudraient qu’on leur dise merci, en plus. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je pense de plus en plus à changer de job…

lundi 26 novembre 2007

Ce n'est pas moi qui le dit

Lundi 19 novembre 2007

Cher M. Constant,

Je viens de recevoir mon Moto Journal auquel je suis abonnée depuis quelques années. Surprise (mauvaise), ce n'est pas vous qui écrivez au début ... et ça paraît! Texte décevant du petit nouveau ... Je parcours chacune des pages de la revue et ça paraît (encore). Vous voulez savoir quoi? Je ne vais pas renouveler mon abonnement. Cette revue a perdu son âme.

Merci encore de m'avoir fait connaître la marque Ridley. Maintenant, c'est un rêve réaliste et réalisable. Dispendieux, mais réalisable quand même; surtout que c'est rendu au Québec ...

Vous êtes, pour tous les mordus, de la « drive » à l'état pur. M. Constant, s.v.p. faites comme le lapin rose : continuez, continuez, continuez!

Sylvie Jenkins
Direction générale des politiques de culture et de communications
Ministère de la Culture, des Communications
et de la Condition féminine

Retour de salut

Saluez avec la main, la jambe ou la tête, mais saluez, de grâce!

Dimanche 11 novembre 2007


Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais il n'y a rien qui me choque plus que de saluer un compère motocycliste et de ne pas être salué en retour. Je trouve cela insultant. Et je le prends très personnel. Je sais qu'il s'agit d'un sentiment totalement irraisonné dans la mesure où cette personne ne me connaît pas et ne me répond pas pour des raisons qui sont circonstancielles, environnementales ou culturelles. Mais pas personnelles. Pourtant, je n'arrive pas à m'y faire.

Certains groupes de motocyclistes ne saluent que ceux qui roulent sur le même type de moto qu'eux, voire la même marque. Ils ne reconnaissent pas dans les autres motocyclistes des confères dignes d'un bonjour. Comme quoi le fait de rouler en deux-roues motorisés ne garantit pas de facto la gratitude de nos pairs. C'est dommage, mais c'est ainsi. Néanmoins, si on est affecté de ne pas être salué, on l'est rarement de ne pas saluer les autres. C'est la vie!

Curieusement, nous sommes les seuls usagers de la route à nous saluer. Sans raison apparente. Parfois, il suffirait de rencontrer la personne à qui l'on vient d'envoyer la main pour le regretter aussitôt. Bien que nous partagions une passion commune, nous ne formons pas une caste uniforme. Nous représentons toute la diversité de la société. Toutes ses contradictions aussi. Et il y a autant de risques de tomber sur un con à moto qu'en voiture ou à pied. Et vice-versa!

Plus j'y pense et plus je suis persuadé que ce geste que nous posons sans vraiment y réfléchir est conditionné par notre passé minoritaire. Il s'agit d'un réflexe conditionné qui vient d'une époque où nous cherchions autant à nous démarquer de la société qu'à nous défendre contre elle. Un temps où il était facile de définir clairement le portait-type du motocycliste lambda. La loi du petit nombre garantissait notre unicité et renforçait notre intégrité identitaire. Si le fait d'être plus nombreux aujourd'hui nous garantit une plus grande visibilité et contribue à nous donner un début de respectabilité, il nous fragilise en tant que groupe. Comme couper du vin avec de l'eau l'altère irrémédiablement.

Le seul moyen de continuer à représenter un groupe solidaire, à défaut d'être cohérent, est de perpétuer des gestes comme le salut. Des gestes qui inconsciemment créent un lien entre nous. Et renforcent notre sentiment d'appartenance. C'est ce que les Français appellent « l'esprit motard ». Ne serait-ce que pour cette raison, la prochaine fois qu'un motocycliste vous enverra la main, répondez-lui donc. Ça ne vous coûtera rien et ça lui fera plaisir... Et vice-versa.

Il y a sûrement des routes qui valent le coup

Des routes comme celle-ci on en rêve et on ne s'en lasse jamais. Le paradis du motocycliste!

Samedi 27 octobre 2007


Comme beaucoup de gens de ma génération, je voue un culte à la mouvance. Je veux toujours partir, quelque part, n'importe où, souvent sans raison. La «Beat Generation» a guidé ma jeunesse bercée par les livres de Kerouac, les «road movies» hollywoodiens et la musique de la Côte ouest, celle des Doors, Canned Heat, Grateful Dead et Jefferson Airplane. Des groupes qui faisaient tous l’apologie des voyages, de l’errance, de la quête.

Cependant, jusqu’à tout récemment, j’étais convaincu que la destination constituait le voyage. Qu’elle le cautionnait. Et je collectionnais les destinations comme d’autres les timbres ou les motos d’époque. Comme ces gens qui arborent fièrement des autocollants touristiques sur leur «bumper de char». Un voyage ne se concevait que s’il me permettait de découvrir une nouvelle contrée, une nouvelle culture, de nouveaux horizons. À la limite, je me serais fait téléporter à l’endroit choisi afin d’y arriver plus rapidement.

Au gré de mes périples, j’ai fini par réaliser que la destination n’était qu’une excuse pour prendre la route. Et que le chemin constituait, à lui seul, la justification de toute errance, de toute mouvance. Une fois arrivé à destination, le voyage est fini. Et qu’en reste-t-il sinon les péripéties du voyage?

Aujourd’hui, j’apprécie le temps passé sur la route. Je ne m’impose pas d’horaire trop strict et je m’accorde des pauses découverte. J’ai appris à planifier mes itinéraires plus en fonction des routes qu’ils me permettent d’emprunter que des destinations, intermédiaires ou finales, que je me suis fixées. La petite route qui ne mène nulle part ou aboutit dans un bled perdu est souvent plus agréable et intéressante que l’autoroute qui nous conduit à New York, Los Angeles, Vancouver ou Québec. Des endroits où j’aime bien aller, néanmoins. Mais en prenant le temps, maintenant. En faisant l’école buissonnière. Car la route la plus longue entre deux points est souvent le plus court chemin vers le bonheur.

Il n’est nullement nécessaire d’aller au bout du monde pour se faire plaisir ou se dépayser. Ainsi, autour de Montréal, et ailleurs au Québec, j’ai découvert des routes magnifiques, prétextes pour des excursions de quelques heures, de quelques journées, voire de quelques semaines, selon l’humeur du moment. Des routes que l’on emprunte pour partir en solo, en couple ou avec des amis. Pour se vider l’esprit, le soir après l’ouvrage. Ou encore se remplir la panse à la table d’un bon petit resto.

J’ai aussi réalisé que la durée du voyage était secondaire. Mieux vaut «triper» deux heures sur un tronçon d’asphalte serpentant autour de chez soi que de mourir d’ennui pendant des jours sur une autoroute rectiligne sans fin, à l’autre bout du monde. Cependant, je ne crache pas sur l'autre option: «triper» pendant des semaines sur une route de rêve, au fin fond de la pampa...

Octobre, mois lugubre

Yves-Martin Proulx, décédé à 30 ans de la leucémie, incarnait la passion, la joie de vivre et le professionnalisme. Il nous a quitté trop tôt, comme Piero Zambotti.

Mercredi 10 octobre

Je hais le mois d'octobre. Plus encore que celui de novembre que tout le monde décrie injustement. Les meilleurs événements de ma vie sont survenus en novembre : mon mariage et la naissance de mon fils pour ne citer que les deux plus importants. Je hais le mois octobre tout simplement parce deux de mes meilleurs amis ont trouvé la mort à cette date. À deux ans et deux jours d'intervalle.

Yves-Martin Proulx, que plusieurs d'entre vous ont connu alors qu'il écrivait pour Moto Journal, était la passion incarnée. Il adorait la moto par-dessus tout, mais aussi le journalisme, métier qu'il avait découvert en 1999 et qu'il pratiquait avec un grand professionnalisme. Yves-Martin est mort le 12 octobre 2001, des suites d'une leucémie. Il avait seulement 30 ans. Plus qu'un collègue, c'était un ami cher qui avait un sens aigu de la loyauté et du partage. Sans parler de ses qualités professionnelles.

Piero Zambotti était encore plus jeune, 26 ans exactement. Il avait suivi un parcours un peu semblable à celui d'Yves-Martin. Après des débuts en course, en catégorie amateur, Piero a collaboré avec le site Internet Canadian Motorcycle Guide avant de se joindre à Cycle Canada en 1999. Piero est mort le 10 octobre 2003, à la suite d'une chute survenue durant un comparo de routières sportives, en Ontario. La moto est une maîtresse exigeante. Qui réclame parfois le tribut ultime.

L'un comme l'autre me manquent. Il ne se passe pas une semaine sans que je pense à eux. Avec, chaque fois, un profond sentiment d'injustice. Ils incarnaient la nouvelle vague de journalistes moto. Ils avaient la jeunesse, la fougue, la passion et l'insouciance. Mais surtout le talent et un sens de l'éthique indiscutable. Ils étaient promis à un brillant avenir qui n'a jamais pu se concrétiser, malheureusement.

Je hais le mois d'octobre. C'est un mois lugubre. En plus, le mauvais temps commence à s'installer. Et les jours raccourcissent.

L'ombre d'un doute?

Jeudi 4 octobre

Depuis que j'ai repris ma liberté, j'ai reçu plusieurs propositions plus ou moins intéressantes de manufacturiers, de distributeurs et de prétendus groupes de presse. Je dis prétendus, car il leur manque le professionnalisme, l'éthique et l'expertise qui sont l'apanage des grandes maisons d'édition pour prétendre à cet épithète pompeux.

Personnellement, je ne suis pas sensible à la flatterie et je me méfie des louanges – les flagorneurs vivent au dépends de ceux qui les écoutent – préférant de loin être traité avec respect et rémunéré à ma juste valeur. Je me méfie des occasions trop belles pour être vraies. Comme je fuis les gens qui n'accordent aucun crédit aux diplômes, à l'expertise ou à la réputation des candidats qu'ils sollicitent.

La grande majorité des journalistes de moto au Canada n'ont pas suivi de formation journalistique et rares sont ceux qui ont un diplôme universitaire. Certains n'ont même pas complété leur secondaire. C'est tout dire!

Cependant, l'absence de formation, d'expertise ou d'imagination n'est pas le plus gros problème auquel la profession doit faire face. Le manque flagrant d'honnêteté est nettement plus dommageable à mon avis. Pour un journaliste, la crédibilité découle essentiellement de son intégrité, de son sens de l'éthique et de son impartialité, des qualités aussi importantes, sinon plus, que la bonne maîtrise de la langue écrite ou la parfaite connaissance des dossiers. Trop de confrères font preuve d'une déontologie à géométrie variable et confondent intérêt personnel et intérêt général. Certains se contentent de recopier – mal en plus – des communiqués de presse, des rapports techniques ou les textes de leurs confrères sans aucune vergogne. Les rédacteurs de certaines revues travaillent même pour un manufacturier ou un distributeur sans que l'on s'étonne du fait. On nage en plein conflit d'intérêt.

Mais, tout le monde s'en contrefiche. Et quand on cherche à changer la situation ou à faire preuve d'une plus grande rigueur, l'industrie rue dans les brancards. Car les compagnies se moquent pas mal que vous soyez intègre, honnête et compétent. Ce qu'elles veulent, c'est une «bonne» couverture, exempte de critiques, même constructives. Et pour cela, elles sont prêtes à vous flatter, à vous offrir des cadeaux ou à vous employer, si ça peut leur garantir le résultat escompté. Elles jouent sur le manque d'éthique de la profession pour y parvenir et les faits leur donnent raison. Si vous voulez une information de qualité, il vous incombe donc d'être vigilants et de vérifier la crédibilité de vos interlocuteurs. Et comme le disait mon ancien Boss: «s'il y a apparence de conflit d'intérêt, il y a conflit d'intérêt ! Il n'y a pas de demie mesure en la matière.»

La chasse aux démons mythiques

Mardi 2 octobre

Le concept de puissance excessive est un mythe. Comme celui qui veut qu’elle soit un facteur accidentogène. Aucune étude n’est parvenue, jusqu’à présent, à établir une corrélation entre la puissance des motos et les accidents. En fait, la perception du public et des autorités est faussée par le fait qu’ils basent leur réflexion sur des impressions plutôt que sur les faits eux-mêmes. Au nom du gros bon sens, d’une logique cartésienne dénuée de fondement scientifique, ils assument que plus la puissance d’un véhicule augmente, plus les risques qu’il soit impliqué dans un accident sont élevés, ce qui n’est pas appuyé par les faits. Tout comme, contrairement à ce que la SAAQ veut nous faire croire, ce n’est pas la vitesse qui tue, mais l’inexpérience, le manque de formation, la témérité et la stupidité.

Comme bon nombre de jeunes européens de ma génération, j’ai débuté ma carrière sur deux roues à l’âge de 14 ans, sur un cyclomoteur de moins de 50 cm3. Sur cette «bombe roulante» développant moins de 10 chevaux et atteignant péniblement 50 km/h, j’ai pris plus de risques et de fouilles que dans toute ma vie de motocycliste. Mais j’ai aussi découvert que les deux-roues motorisés étaient mon passeport pour l’indépendance et la liberté. Le premier cyclomoteur que j’ai piloté avait dix ans d’âge. C’était une Cady bourgogne appartenant à ma mère. Mais elle ne l’utilisait pour ainsi dire pas. Pendant six mois, avant d’avoir l’âge légal pour la conduire, je la démarrais tous les jours et je faisais le tour de la cour à la moindre occasion. Quand la date de mon quatorzième anniversaire est enfin arrivée, ma mobylette n’a plus connu un seul moment de répit. Trois mois plus tard, avec deux autres copains fraîchement motorisés, tout comme moi, nous sommes partis en vacances de Pâques sur nos montures démoniaques, sans parents, sans entrave. Ça nous a pris quatre jours pour parcourir les 400 kilomètres nous séparant de notre destination finale. Mais quelle joie ce fut.

À cette époque, quand nous parlions de notre prochaine moto, celle que nous pourrions nous acheter une fois le permis acquis, à 16 ans, nous rêvions d’une 125 rutilante. Pour certains, il s’agissait d’une Honda CB125, pour d’autres de la nouvelle Yamaha DT125, un modèle double usage fraîchement lancé et, pour les moins fortunés, d’une MZ 125, une moto basique d’Europe de l’Est, simple et économique. Aucune de ces machines n’atteignait les 25 chevaux, mais elles nous faisaient rêver. Puis vinrent la Honda CB750 Four, les Kawasaki trois cylindres deux-temps, puis la fameuse 900 quatre cylindres quatre-temps, la Suzuki GT750 refroidie à l’eau, ou encore la Yamaha RD350. D’année en année, la puissance des motos augmentait, au même rythme que notre expérience et notre habileté à les maîtriser. À la fin des années 70, la barre mythique des 100 ch semblait inatteignable pour le commun des motocyclistes. Nous pensions alors que personne ne pouvait raisonnablement maîtriser une telle puissance.

Une trentaine d’années plus tard, la moindre sportive de 600 cm3 dépasse allègrement les 100 ch, et les motos de petite et moyenne cylindrées ont virtuellement disparu du marché. Aujourd’hui, les 750 sont considérées comme des motos pour débutant. Néanmoins, si on tient compte de l’évolution du parc moto et du kilométrage parcouru, le nombre d’accidents ne cesse de diminuer depuis les années dorées de la moto. Il est vrai que les progrès technologiques accomplis au chapitre des pneumatiques, des freins, des suspensions et des parties cycles ne sont pas étrangers à ce phénomène, mais ce qui a profondément changé, c’est le comportement des usagers de la route, en général et des motocyclistes, en particulier. Il reste maintenant à mettre en place un système de formation et d’apprentissage adéquats pour permettre à chacun de rouler en toute sécurité, sur nos futurs monstres de plus de 200 ch. Quant aux experts auto-proclamés, ils devraient investir leurs énergies dans la promotion de la sécurité plutôt que de chasser des démons mythiques.

Les motocyclistes du dimanche

Lundi 24 septembre

Il y a quelques mois, je suis tombé sur un rapport officiel de la National Highway and Traffic Safety Administration (NHTSA), l’organisme fédéral chargé de la sécurité des transports aux États-Unis, qui a piqué ma curiosité. Selon ce rapport, la majorité des gens impliqués dans un accident, chez nos voisins du Sud, sont des vieux, entendez par là des plus de 35 ans, au guidon de motos de grosses cylindrées.

Plusieurs théories ont été émises par des journalistes non-spécialisés en mal de sensation ou par des fonctionnaires n’ayant pas pris connaissance du rapport. On a blâmé les baby-boomers qui s’élançaient au guidon d’une moto sans expérience préalable, on a suggéré que les néophytes achetaient des motos trop grosses ou trop puissantes pour leur niveau d’expérience, on a prétendu que la vitesse excessive était en cause, on a pointé du doigt les législations imposant le port du casque. Et j’en passe des plus farfelues encore. En fait, tous les lieux communs y sont passés.

Après étude du rapport, on se rend compte que le problème est tout autre. Si les gens impliqués dans des accidents sont plus vieux, c’est que la population motocycliste vieillit. L’âge moyen des motocyclistes en 1990, aux États-Unis, était de 27 ans. En 1998, il est passé à 38 ans. Et la tendance à la hausse se poursuit. Si les motocyclistes de plus de 35 ans sont majoritairement impliqués dans les accidents, c’est qu’ils sont plus nombreux sur la route. Le fait que les grosses cylindrées soient soudainement plus représentées dans les statistiques d’accidents tient au fait que ce sont les motos que conduisent la majorité des motocyclistes de cette tranche d’âge.

En dehors de l’importance sans cesse croissante des accidents reliés à la consommation d’alcool et de drogue, une des statistiques intéressantes était que la plupart des accidents mortels survenaient dans des zones rurales, plutôt qu’en ville, comme auparavant. Ceci s’explique par le fait que, de plus en plus, les motocyclistes se servent de leur moto surtout le week-end, à des fins récréatives. De moins en moins d’entre eux l’utilisent quotidiennement, comme moyen principal de transport. Quand on ne roule qu’une journée par semaine, on n’est pas aussi alerte que lorsque l’on roule tous les jours. Ça semble une lapalissade, et c’en est une. Le fait de conduire tous les jours, dans une variété de conditions de circulation, de revêtement, de température, vous expose à une foule de situations et de dangers qui vous permettent, à la longue, de développer votre talent et votre expertise. Les motocyclistes du dimanche ne sont pas autant exposés à ces aléas de la circulation et se retrouvent en terrain inconnu quand ils prennent la route au guidon de leur machine flambant neuve et fraîchement astiquée, le week-end venu. La plupart d’entre eux roulent en groupe, avec des amis (la moto est de plus en plus une activité sociale et de moins en moins un mode de vie). Ils subissent la pression du groupe et sont donc plus enclins à commettre des erreurs.

Quand on demande aux gens d’évaluer leur expérience de conduite moto, vous remarquerez qu’ils le font toujours en terme d’années, en comptant à partir de la date à laquelle ils ont acheté leur première moto. Si vous avez commencé à conduire une moto il y a dix ans, mais que vous ne roulez que le week-end, vous n’avez pas 10 ans d’expérience. Au plus, vous en comptez 520 jours (26 fins de semaine par an, en moyenne au Québec, multipliées par 10). Ce qui ne fait même pas deux ans d’expérience de conduite. Et entre chaque sortie, vous prenez une pause de cinq jours durant lesquels vous ne mettez pas à profit les leçons que vous avez apprises durant vos balades dominicales. Ce n’est évidemment pas le même type d’expérience qu’accumulerait un motocycliste qui roulerait tous les jours, dans toutes les même conditions.

L’autre problème, c’est que les gens d’âge plus mûr ont tendance à surestimer leurs connaissances et leurs habiletés. Beaucoup ont leur permis moto sans avoir eu à passer de cours de conduite. Ceux qui en ont suivi un il y a longtemps, et ont pris un congé sabbatique de la moto pendant plusieurs années, reprennent rarement un cours de conduite à leur retour à leur loisir favori. Certains observateurs prétendent que pour chaque année passée sans conduire de moto, il faut compter un mois de conduite, à raison de quatre ou cinq jours par semaine, pour récupérer nos habiletés perdues. Si j’observe ce qui se passe, il me semble qu’on est loin du compte.

Esprit, es-tu là?

Mardi 18 septembre

Il y a quelques années, Jean-Claude Gayssot, alors ministre des Transports et de la Sécurité Routière en France, a commandé une enquête exhaustive à un institut de sondage afin de déterminer qui étaient les motocyclistes et ainsi mieux les cibler.

Si vous êtes venus à la moto dans les années 60-70, vous ne vous êtes jamais vraiment posé cette question. Pour vous, les motocyclistes formaient une grande famille. Réunis par une passion et un mode de vie communs. On appelait ça l’esprit motard, la solidarité motarde. Mais cette solidarité, cet esprit de corps n'existerait plus. C'est du moins ce qui ressortait de cette enquête qui identifiait cinq groupes distincts de motocyclistes n’ayant en commun que de rouler à moto.

Les pragmatiques (30%). Ils sont principalement citadins. Pour eux la moto, utilisée quasi quotidiennement, est autant utilitaire que ludique. Ils parcourent, en moyenne, 5 700 km par an, refusent l’aspect frime de la moto et recherchent confort et tenue de route au meilleur prix.

Les motards du dimanche (12%). Ils n’ont pas l’impression d’appartenir à une caste particulière. Ils parcourent, en moyenne, 3 000 km par an et ne sortent que quand les conditions sont idéales. Ils aiment astiquer leur moto et parader. La plupart d’entre eux sont propriétaires de customs. En matière de sécurité, ils souhaitent plus de sévérité des forces de l’ordre envers les autres motocyclistes, en particulier les propriétaires de sportives.

Les désimpliqués (18%). Ils ne considèrent pas la moto comme un plaisir. Pour eux, ce n’est qu’un moyen de transport. Beaucoup sont propriétaires de petites cylindrées et de scooters.

Les hédonistes (21%). Ils comptent beaucoup d’artisans ou de chefs d’entreprises et habitent surtout des grandes villes. Ils parcourent, en moyenne, 6 200 km par an. Ils s’adonnent à la moto par passion et pratiquent la solidarité motarde. Ils sont peu réceptifs au discours sécuritaire.

Enfin, les fanas du guidon (19%). Ils sont relativement jeunes (entre 25 et 34 ans) ou, à l’opposé, âgés de 54 ans et plus. Ce sont des passionnés. Ils participent aux événements motos (courses, concentrations, etc.) et adhèrent, dans 15% des cas, à une association motocycliste. Ils parcourent près de 9 000 km par an et préfèrent les grosses cylindrées (sportives et routières surtout). En terme de sécurité, ils revendiquent une amélioration notable du réseau routier et jugent les forces de l’ordre trop sévères envers les motocyclistes.

À la lecture de ces chiffres, on s’aperçoit que les passionnés, qui formaient la masse des motocyclistes d’autrefois, ne représentent plus que 40% des motocyclistes actuels. Et que 60% d’entre eux ne voient dans la moto qu’un loisir parmi tant d’autres.

En regardant ce qui se passe ici, on peut facilement extrapoler ces chiffres. Depuis quelques années, je suis étonné de voir à quel point certains groupes de motocyclistes ne retournent pas le salut. De constater que les motos affichant un kilométrage important sont une denrée rare. Et d’observer le piètre niveau de formation ou d’expérience de certains d’entre nous.

Les passionnés sont-ils une espèce en voie d’extinction ou sommes-nous simplement victimes du succès de la moto et de l’arrivée massive dans notre sport de «baby-boomers» aisés à la recherche de sensations fortes et de validation instantanée? Toujours est-il que ces données changent radicalement le portrait que le public et l’industrie se faisaient du motocycliste classique. Elles changent également l’offre des manufacturiers qui, désireux de profiter de la manne que représentent ces nouveaux venus nous proposent des produits qui s’éloignent parfois de nos attentes ou de nos besoins.

Mais, ce qui est plus grave encore, c’est qu’elles modifient nos comportements et nos interactions avec les autres motocyclistes au point de créer des groupes qui se méfient les uns des autres. Pour contrer cette scission, la promotion de l’esprit motard et de la solidarité s’impose. Il faut revenir à des valeurs jugées désuètes aujourd’hui, mais qui nous ont permis de créer une communauté unie, bien que constituée d’individus ayant peu de chose en commun, si ce n’est la passion de la moto.

Retour à la normale

Lundi 17 septembre

Ça y est! Les vacances sont finies. Malheureusement... Un mois merveilleux à sillonner les routes du sud-ouest de la France, entre Océan Atlantique et Mer Méditerranée. À traverser les Pyrénées et leurs routes de rêve. Des routes à faire baver d'envie n'importe quel motocycliste. Du genre qui vous donnent le tournis et vous font entrevoir le paradis.

Déjeuner chez Georges Brassens, à Sète, souper chez Boby Lapointe, à Pézenas, 30 km au nord-ouest, en faisant un détour par les plages du Languedoc-Roussillon, le vignoble de Rivesaltes et les châteaux cathares de Quéribus, Peyrepertuse et Puylaurens.

Mais toute bonne chose a une fin et il faut savoir remettre le collier. Vendredi prochain (le 28 septembre), je pars pour Paris afin d'assister au Mondial du Deux-roues, afin de voir ce que la saison 2008 nous réserve. Et début novembre, je poursuivrais avec le salon de Milan. Je ne manquerais pas de vous tenir au courant des nouveautés et de partager mes coups de cœur et mes coups de gueule avec vous. Car vous n'êtes pas débarrassés de moi. Pas encore, en tout cas...

La moto c'est l'aventure!

Dimanche 19 août 2007

«Les voyages à moto nous font voir les choses d’une façon totalement différente. En voiture, on est enfermé. Parce qu’on y est habitué, on ne se rend plus compte qu’à travers les vitres on ne voit pas mieux le paysage qu’à la télé. On n’est plus que le témoin passif d’un spectacle ennuyeux, figé... En moto, plus d’écran. Un contact direct avec les choses. On fait partie du spectacle, au lieu d’être un simple spectateur. Le ruban de béton, qui se déroule en sifflant, à dix centimètres sous vos pieds, c’est vraiment un ruban de béton. Son image reste floue à cause de la vitesse, mais à tout moment on peut le tou cher du talon, tout reste accessible à la conscience immédiate...»


Ce passage extrait de «Traité du Zen et de l’entretien des motocyclettes» de Robert M. Pirsig illustre parfaitement les sentiments que je ressens lorsque je voyage à moto. Cette conviction d’être distinct, d’apprécier les choses de façon unique et différenciée. Ce besoin de raconter chaque aventure plus du point de vue des sensations que des faits précis — itinéraire, durée du voyage, coût... — lesquels sont immuables quel que soit le mode de transport choisi. Cette façon d’aborder le voyage nous distingue des automobilistes. Et explique en partie le mur d’incompréhension qui nous sépare. La difficulté que nous avons à leur faire comprendre nos états d’âme, à leur faire admettre la spécificité de nos besoins et de nos expériences. Car, pour nous, la destination est souvent une excuse, la route empruntée la justification de notre itinéraire et les conditions climatiques un élément de l’aventure. Et j’emploie ici le terme «aventure» à dessein. Car, pour moi, moto et aventure sont indissociables. Quand on est motocycliste dans l’âme, même la plus petite balade sur deux roues se transforme instantanément en événement. En un festival d’émotions, de sensations, d’images, d’odeurs, de sons qui vous restent gravés dans votre mémoire et vous reviennent subrepticement à l’esprit dans les moments les plus inattendus. Et vous permettent de chasser le blues de l’hiver. D’endurer la routine du 9 à 5. De passer à travers les vicissitudes de la vie tout en gardant le sourire, l’espoir.

La moto est avant tout un mode de vie, un état d’esprit, une philosophie. Et de même qu’on peut être croyant sans être pratiquant, on peut être motocycliste sans avoir de moto, à tout le moins de façon ponctuelle. Inversement, on peut posséder une moto sans être «motocycliste». Tout est question de perception, de passion. Aventure et passion: deux termes positifs qui évoquent le rêve et le plaisir, mais portent en eux la notion de risque, d’inconnu. De découvertes.

Les chiffres sont parfois trompeurs...

Dimanche 12 août 2007

...comme les statistiques d'ailleurs, dans la mesure où elles n’offrent souvent qu’une photo instantanée de la situation qu’elles essaient de documenter. C’est le cas, par exemple, des données sur le kilométrage annuel moyen parcouru par les motocyclistes.

Selon les chiffres les plus récents, les motocyclistes québécois totalisent, en moyenne, 5 700 km par an. C’est peu et beaucoup à la fois. Peu, car quand on répartit cette moyenne sur la saison (26 semaines), ça représente moins de 200 km par semaine. Il suffit d’une petite sortie dominicale pour parcourir deux à trois fois cette distance. C’est peu aussi, quand on considère que de nombreux motocyclistes engrangent entre 35 000 et 50 000 kilomètres par an. Pour maintenir la moyenne, pour chacun de ces gros rouleurs, il y a six à neuf motocyclistes qui ne roulent pas du tout. On voit tout de suite la disparité de comportements qui existe entre les différents types de motocyclistes.

Si nous comparons ces données avec celles d’autres pays, la France, par exemple, c’est beaucoup. En effet, nos cousins affichent une moyenne légèrement supérieure à 7 000 kilomètres par an. Sauf que dans leur cas, ils roulent 12 mois par année, ce qui leur donne une moyenne hebdomadaire d’environ 135 km, soit 32,5% de moins que nous. La grosse différence, c’est que la plupart du kilométrage parcouru par les motocyclistes québécois l’est à des fins récréatives, alors que les Français utilisent principalement la moto pour leurs déplacements quotidiens. Particulièrement dans les grandes agglomérations où les deux-roues motorisés constituent une réelle alternative à l’automobile. L’autre différence notable, c’est que les cyclomoteurs, scooters et autres motos de petites cylindrées sont également pris en compte dans les statistiques. Ça change tout. En effet, si on élimine ces petits véhicules à vocation utilitaire, pour ne garder que les motos de 400 cm3 et plus, le kilométrage hebdomadaire moyen des motards d’Outre-Atlantique augmente et se situe à peu près au niveau du nôtre.

Les Nord-américains ont la réputation d’être de gros voyageurs, spécialement en auto. Et cette réputation est appuyée par les chiffres. Nous parcourons en moyenne deux à trois fois plus de kilomètres que les automobilistes français. Même si l’on prend en compte les particularités climatiques et géographiques des deux pays, ces chiffres démontrent une différence marquée d’habitudes que l’on ne retrouve pas au niveau de la moto. D'un côté ou l'autre de l'Atlantique, il semblerait que lorsque vient le temps de voyager, nous privilégions l’automobile. C'est un constat qui me désole, mais c'est la réalité. Personnellement, je ne comprends pas que l'on puisse déclarer aimer la moto et décider de voyager en char. Il y a là une certaine forme d'illogisme difficile à expliquer. À moins que la réponse se trouve dans la chronique qui suit: La moto c'est l'aventure! Qu'en pensez-vous?

À la recherche de la perfection

Jeudi 9 août 2007

Ce matin, mon ami Denis et moi avons ramené la BMW R1200R de presse que j’avais en essai chez Moto International. Comme nous le faisons chaque fois que nous testons une BMW depuis maintenant quatre ans. Cette moto, j’attendais de poser mes fesses dessus depuis que je l’ai vue au Salon Intermot de Cologne, en octobre dernier. Et je n’ai pas été déçu.

Ceux qui me connaissent savent ma passion pour les Boxers allemands. Mais, contrairement à beaucoup de Béhémistes convaincus, j’aime par dessus tout les roadsters de la marque de Munich. Encore plus que les légendaires RT et GS. Ce qui n’est pas peu dire. Car, pour moi, ces deux modèles constituent une référence absolue. J’aime la simplicité des modèles R. La façon particulière qu’ils ont de synthétiser les qualités intrinsèques des RT et GS, sans leur côté tape à l’œil, sans leur sophistication, ni leur équipement pléthorique. La R est la routière ultime: simple, efficace, compétente. Elle offre toutes les qualités de ses sœurs dans un ensemble homogène qui privilégie l’efficience. Ce qui n’empêche pas son propriétaire de goûter malgré tout au luxe germanique. La R propose une tenue de route impériale, des suspensions parfaitement calibrées, un confort royal, un freinage (avec ABS) impossible à prendre en défaut et tous ces petits plus (poignées et selle chauffantes, ensemble de bagages haut de gamme, ABS deux voies, prise accessoire 12 V, suspensions Telelever/Paralever...) qui font qu’une BMW est une routière incomparable, quel que soit le modèle choisi, une machine authentique qui se distinguera toujours des japonaises de qualité et de prix équivalents.

Par rapport à sa devancière qui était déjà très convaincante, la R1200R s’est bonifiée à tous les niveaux. Le Boxer qui développe désormais 109 ch est nettement plus puissant et plus coupleux que son prédécesseur, tout en se montrant plus doux, quasiment exempt de vibrations. La boîte est enfin précise et onctueuse, sans le côté «agricole» de celles des modèles précédents. L’effet de couple de renversement, caractéristique des flat-twins allemands, qui fait osciller la moto de droite à gauche à l’accélération, a été considérablement réduit, tandis que le nouvel ensemble bras oscillant/cardan/Paralever annule complètement l’effet de soulèvement et d’affaissement associé aux transmissions acatènes.

En deux semaines, nous avons parcouru près de 2 500 km au guidon de la R1200R, dont un voyage de 1 600 km à Parry Sound, au bord de la Baie Géorgienne, dans le nord de l’Ontario afin d’assister à la manche canadienne du Championnat du monde d’enduro. Chargée comme un mule, la Béhème s’est tirée d’affaire comme une vraie GT. Se montrant capable de suivre un rythme carrément sportif à l’occasion, de flirter avec des angles d’inclinaison impressionnants (en passant les pneus Continental Road Attack qui équipaient notre modèle d’essai sont vraiment top) et de faire preuve d’une agilité et d’une maniabilité déconcertantes, malgré sa charge. Sans parler du confort. Un vrai Pullman!

La R1200R n’est certes pas parfaite, mais elle frôle la perfection. Au point que les ingénieurs de BMW vont avoir du pain sur la planche pour se surpasser. S’ils y parviennent, le prochain Boxer de Munich va sûrement faire couler beaucoup d’encre... Et attirer les foules!

Enfin libre!

Lundi 6 août 2007

La nouvelle est arrivée comme un coup de masse! Après des années à Turbopress, dont quatre comme rédacteur en chef de Moto Journal, mes services n’étaient soudainement plus requis. Je l’ai appris par hasard. La première journée de mes vacances. Sans préavis. Ni rendez-vous. Ni coup de téléphone. J’ai été avisé par un simple e-mail impersonnel et froid. Comme remerciement pour bons et loyaux services, vous reconnaîtrez qu’on fait mieux... Une fois le choc initial passé, je me suis ressaisi et j’ai essayé d’explorer les possibilités qui s’offraient à moi. Pas facile! Car, pour être franc, quand on a un métier aussi captivant que celui qui a été le mien pendant une vingtaine d’années, on n’en cherche pas d’autre. Durant toute ma carrière, je me suis appliqué à donner l’heure juste. À relater les faits le plus objectivement possible. Et aujourd’hui, je n’ai plus aucune contrainte. Je suis mon propre patron et premier censeur. Je suis enfin libre! De dire et faire ce que je pense. D’envoyer promener les gêneurs et autres empêcheurs de tourner en rond. Mais la liberté, c’est aussi choisir ses obligations, ses contraintes, ses chaînes. Ce blogue m’offre le luxe de dialoguer avec vous presque en temps réel. Ce que le magazine ne me permettait pas. J’espère que je saurai en faire bon usage et que nous ferons un bout de chemin ensemble. Bonne route!