lundi 14 avril 2014

Les motards vagabonds déménagent

Si vous voulez continuer à suivre mes aventures et lire mes éditoriaux, sachez que le blogue, «Les motards vagabonds», change de crémerie. Il est désormais hébergé sur motoplus.ca, sous la chronique «Éditos» où il devrait avoir une plus grande visibilité.

Je vous attends à ma nouvelle adresse. En espérant que vous serez nombreux à me suivre...

Bonne route à tous!

Cordialement,
Didier Constant

mardi 10 décembre 2013

Ne nourrissons pas les trolls, pinailleurs, preneurs de tête et autres plaies du Web 2.0


Par moments, il m'arrive, comme à beaucoup d'entre vous, d'être aux prises avec des casse-pieds. Des gens sans intérêt, mais auxquels je dois répondre pour éviter qu’ils véhiculent des inepties à mon sujet.

J’utilise Internet de façon intensive  à mon corps défendant. En raison de la nature de mon activité professionnelle. Je trouve que le Web est un merveilleux outil de travail et de communication. Pourtant, j’entretiens encore une certaine méfiance à son égard. En particulier à propos des forums et des réseaux sociaux que je considère comme un mal nécessaire et auxquels je recours avec certaines réserves. En effet, ces espaces de communication prétendus libres le sont de moins en moins tant ils sont envahis par les trolls et autres preneurs de têtes professionnels qui trouvent toujours le moyen de nous pourrir la vie. Internet a donné la parole — et de ce fait une certaine importance — à des individus qui ne la méritent pas. 

Si la différence entre troll et chieur est ténue, elle est néanmoins significative, par la manière dont les deux s’expriment, mais surtout par la nature de leurs intentions et de leurs motivations. Contrairement au troll, électron libre de la Toile ou Webanarchiste, le preneur de tête n’agit pas par volonté de semer la discorde ou de nuire, mais par un besoin impérieux de montrer qu’il existe, de prouver sa prétendue valeur ou ses connaissances supposées, lesquelles sont inférieures à l’idée qu’il s’en fait. De plus, quand le preneur de tête nuit, c’est souvent involontairement, ce qui est encore plus insupportable.

Avec Internet, les pinailleurs et autres preneurs de tête ont trouvé un terreau fertile pour prospérer. Avant, ils étaient limités à des sphères d’intervention restreintes — réunions de famille, rencontres entre amis ou collègues de travail, événements sociaux — et ne nous pourrissaient pas la vie à longueur de journée, leur influence étant limitée dans l’espace, mais aussi dans le temps, la durée d’une rencontre. Leur auditoire était également restreint aux cercles dans lesquels ils évoluaient. Aujourd’hui, ils peuvent intervenir à leur guise, à tout moment de la journée et s’immiscer dans de nombreux cercles, que se soit sur les forums ou sur les réseaux sociaux. Ils ne sont jamais à plus d’un clic de souris de vous prendre le chou.

Même s’ils sont animés par les mêmes motivations, les pinailleurs et les preneurs de tête se distinguent par leur modus operandi. Les premiers sont souvent passionnés par un sujet qu’ils pensent connaître parfaitement et cherchent à faire étalage de leur science à tout propos, pour peu qu’on leur en donne l’occasion. «La culture, c’est comme la confiture: moins on en a, plus on l’étale!» prétend l’adage. Il suffit de lancer une discussion sur leur thème de prédilection pour les voir se radiner comme une volée de mouettes ayant découvert une frite sur le stationnement d’un McDo. Les seconds sont spécialistes de rien, mais ils ont un avis sur tout et meurent de le partager avec la terre entière. Quel que soit le sujet que vous aborderez, ils le connaîtront mieux que vous et vous prendront la tête pour des détails insignifiants ou vous raconteront des anecdotes banales et dont vous n’avez rien à faire.

Le problème avec ces chieurs, c’est qu’ils veulent toujours avoir le dernier mot, même si c’est pour répéter des choses qui ont déjà été dites, souvent en mieux. Dès que vous leur répondez, vous êtes pris dans un engrenage infernal. Vous pouvez les envoyer paître, vous pouvez vous moquer d’eux, ils reviendront quand même à la charge. Leur égo est plus gros que leur intelligence. Comme disait Coluche dans un de ses sketches, paraphrasant Descartes: «L'intelligence c'est la chose la mieux répartie chez les hommes parce que quoi qu'il en soit pourvu, il a toujours l'impression d'en avoir assez vu que c'est avec ça qu'il juge».

Très calés en théorie, mais souvent nuls en pratique, les chieurs savent tout mieux que tout le monde. Ils peuvent expliquer la mécanique à un ingénieur, l’enseignement à un pédagogue, la médecine à un docteur, la photographie à un chasseur d’images professionnel. Sans aucune gêne. D’ailleurs, ils n’ont pas peur du ridicule. C'est à ça qu'on les reconnait. Tout le monde sait que le ridicule ne tue pas, malheureusement.

Les pinailleurs ne supportent pas que vous puissiez avoir une discussion légère sur un sujet qu’ils considèrent comme important. Ils se plaisent à l’expliquer dans le détail, jusqu’à ce qu’il devienne incompréhensible ou jusqu’à ce que vous ayez le ciboulot qui surchauffe. Par ailleurs, ils se complaisent dans la critique, mais rarement dans l’action. C’est trop trivial pour eux, trop terre à terre.

Ce dont les pinailleurs et les preneurs de tête ne se rendent pas compte, c’est qu’en cherchant à défendre une cause qui leur tient à cœur, ils finissent souvent par lui nuire. Leurs interventions deviennent alors contre-productives, spécialement quand ils s’attaquent aux journalistes qui essaient de promouvoir leur cause. Créer le buzz n’est pas facile, mais le réduire à néant est d’une simplicité enfantine.

Le meilleur moyen de se débarrasser de ces empêcheurs de discuter en rond serait de ne pas leur répondre, mais parfois il est dangereux de leur laisser le dernier mot, spécialement quand ils véhiculent des inepties ou propagent des rumeurs vous concernant. Car ça, c’est leur réponse ultime quand ils sont à court d’arguments. Essayer de vous discréditer pour avoir raison malgré tout.

La seule chose efficace à faire, pour ne plus être importuné par ces gêneurs, c’est de les éliminer de tous les cercles dans lesquels ils s’immiscent. De les rayer de nos listes d’amis respectives. Les chieurs de mes amis sont aussi mes chieurs. À nous de faire le ménage dans nos carnets d’adresses pour que nos preneurs de tête ne sévissent pas chez nos amis. Arrêtons l’épidémie maintenant!

jeudi 17 octobre 2013

Recette pour ne pas vieillir

Sur l'asphalte noir de mes errances, je griffonne inlassablement les pages blanches du livre de ma vie. Un roman dont je suis le héros et que j'écris en «live», au fil des kilomètres, sans plan ni carte. Je roule sans autre but que de me faire plaisir et de me rendre au bout du chemin avec le sourire aux lèvres. J'avance à vive allure sur une route déserte, sans savoir où elle me mènera, mais je fais confiance à ma bonne étoile. Elle me guide depuis mon enfance et ne m'a jamais trahi jusqu'à présent.

Chaque fois que je me retrouve seul, anonyme dans la foule, je profite de cet instant au maximum en me disant que parfois «Il vaut mieux être seul que mal accompagné». Et là, je ne parle pas de ma vie amoureuse. Je suis un homme comblé à ce niveau. Depuis 35 ans, je partage ma vie avec une femme en or qui a bien du mérite à me supporter. Et qui aurait facilement pu trouver mieux que moi… Non, je parle de ma vie de «clochard céleste», comme disait Jack Kerouac. Dans ces moments de solitude choisie, personne n'est là pour me faire la gueule, me dire quoi faire ou pour m'imposer une direction à suivre. Mais, même si je suis solitaire, c'est souvent de courte durée. En effet, je retrouve immanquablement une foule d'amis lors de mes périgrinations et je m'en fais des nouveaux chaque fois. Ils m'accompagnent un instant, ou toute la vie, sans rien attendre d'autre de moi que de partager un bon moment, un bon repas, une bonne bouteille.

La passion est mon moteur, le plaisir mon carburant, l'amitié ma nourriture spirituelle. Sur la route, comme dans ma vie quotidienne. Alors, quand la vie déraisonne, qu'elle me confronte à la maladie, à l'absence des êtres aimés, à l'éloignement, au spleen, il me suffit de mettre le contact et de répondre à l'appel du large. Je reprends la route pour me perdre ailleurs, me noyer dans l'océan de mes souvenirs passés et futurs. Une excuse parfaite pour retremper ma plume dans l'encre de ma passion.



Là, je reviens d'une semaine de rêve à Barcelone, ponctuée par trois jours de roulage inoubliables sur le magnifique tracé du circuit de Catalunya. Trois jours passés avec une équipe étonnante au sein de laquelle les valeurs humaines sont placées sur un plan d'égalité avec les valeurs professionnelles (service à la clientèle, compétence, expérience, dévouement…). C'est assez rare pour le souligner.

«Une amitié née des affaires vaut mieux qu'une affaire née de l'amitié,» disait David Rockfeller. Ce en quoi j'aurais tendance à être d'accord avec lui. Personnellement, j'espère sincèrement que ce séjour me permettra de tisser des liens d'amitié et de travail durables avec ces passionnés avec lesquels j'ai ressenti une connivence extraordinaire.

Ce voyage a également été l'occasion de faire une rencontre impromptue. En effet, en cherchant mon nom sur la feuille des temps, je suis tombé par hasard sur celui de Philippe, un ami virtuel, membre d'un groupe Facebook auquel j'appartiens aussi. L'occasion de mettre une âme sur un visage et de vivre un moment d'éternité avec lui. Au détour d'une discussion à bâtons rompus, nous nous sommes découvert des atomes crochus. Nous avons partagé nos expériences, comparé nos chronos et échangé nos petits secrets au sujet du tracé, tout en sirotant un café sur le bord de la piste. Philippe est Basque, ce qui ne gâte rien. Techniquement, on est presque «pays»! Le Sud-Ouest (plus particulièrement les Landes et le Pays Basque) c'est ma région d'adoption et de cœur. Et comme Philippe habite à moins de 60 km de chez mes frères, je ne manquerais sûrement pas d'aller trinquer ou manger avec lui lors de mon prochain passage dans la région. On est donc appelé à se revoir.

Je vous l'ai certainement déjà dit — je sais, j'ai tendance à radoter en vieillissant —, mais j'ai besoin de bouger pour me sentir vivant. De voyager, à moto de préférence. Car il n'existe aucune autre mode de locomotion qui me transporte de cette façon. J'ai besoin de routes de rêve, de pistes de course, de panoramas exotiques, de motos mythiques pour apprécier la vie. J'ai besoin de me mettre en danger, ou en déséquilibre, à tout le moins, pour avoir le sentiment que ma vie à un sens et mérite d'être vécue. Mais j'ai aussi besoin de la présence de mes proches et de mes amis pour écrire le livre de ma vie au plus-que-parfait. Et à ce sujet, je dois reconnaître que la vie me gâte. J'ai des amours et des amitiés fidèles; pas des centaines, comme sur Facebook, mais quelques dizaines. Des âmes sœurs, des complices, des confidents. Des gens triés sur le volet et qui m'aident à traverser la vie sans vieillir trop vite.

Comme le dit ma maxime préférée: «On n'arrête pas de rouler parce qu'on devient vieux, on devient vieux parce qu'on arrête de rouler!» Mais, dans cette citation, on pourrait facilement remplacer le verbe «rouler» par le verbe «aimer», sans changer fondamentalement son sens. En ce qui me concerne, les deux verbes sont intimement liés. Et je ferais tout pour ne pas vieillir trop rapidement.

vendredi 5 juillet 2013

Les voyages à moto sont bons pour la santé!

Rocamadour, le matin de bonne heure. Majestueux!

Voyager à moto est un art que nous sommes de plus en plus nombreux à pratiquer. Pourtant, chaque motocycliste interprète sa partition à sa façon et il n'y a rien de plus difficile que de trouver le compagnon de route idéal — et là, je ne parle pas d'un passager, mais bien d'un autre motocycliste avec qui partager ses aventures —, un pilote qui aime rouler comme vous, au même rythme, de la même manière, dans les mêmes contrées, sur les mêmes routes et avec la même intensité. Jusqu'à présent, en dehors de mon frère Marc et d'une poignée d'amis, les gens avec lesquels j'accepte de rouler, ne serait-ce que pour une journée, se comptent sur les doigts de mes deux mains.

En fait, je suis un motard vagabond dans l'âme. Je suis très sociable et j'adore faire la fête avec des amis — l'amitié est une valeur à laquelle j'accorde énormément d'importance —, mais quand vient le temps de rouler à moto, je suis un «loner» comme disent les américains. J'aime me balader seul de préférence — les compromis ne sont pas ma tasse de thé —, parcourir de longs trajets, rouler loin et longtemps à un rythme qui fait monter mon taux d'adrénaline. Par ailleurs, j'exècre par-dessus tout suivre les autos, ou pire, les camions, quand il est possible de faire autrement. C'est l'un des rares avantages de la moto que de pouvoir se faufiler dans la circulation, dépasser rapidement les automobilistes en goguette et se retrouver seul sur la route, maître de son destin. Autant en profiter. Ce qui ne m'empêche pas de profiter au maximum de mes périples, c'est-à-dire m'arrêter en chemin, faire des photos, visiter villes, villages et monuments, prendre le temps de rencontrer des gens et partager le gîte et le couvert avec ceux avec lesquels je me découvre des atomes crochus. Solidaire d'accord, mais solitaire d'abord!

Mon frère Marc (à droite) et moi aux CML à Dijon.


En près de 40 ans de carrière, je n'ai jamais fait partie d'un motoclub ou d'une association. «Je n'accepterais jamais d'entrer dans un club qui m'accepterait comme membre», disait à la blague Groucho Marx, une citation que je fais volontiers mienne. Je n'affectionne pas particulièrement faire partie du troupeau et ce n'est pas à mon âge que je vais me refaire. En revanche, je comprends très bien pourquoi de nombreux motocyclistes aiment ça et je le respecte.

Pourtant, il m'arrive occasionnellement de faire des voyages à moto en Europe avec des amis. Des motocyclistes triés sur le volet. Et j'aime beaucoup l'expérience. Je dois bien mettre de l'eau dans mon vin parfois (mes compagnons d'aventure aussi, rassurez-vous) et il arrive que l'on rencontre des petits problèmes de logistique ou de concordance d'humeur, à l'occasion, mais dans l'ensemble, ça se passe bien. 

En voyage, on fait toujours des rencontres inattendues.
 
Le plus dur, en groupe, en dehors de savoir choisir ses partenaires d'aventure, c'est de définir une destination et un itinéraire qui conviendront à tout le monde. Pour beaucoup de gens, parcourir 500 km dans la journée, c'est une expédition. Et quand il faut avaler de telles distances sur des routes secondaires, à un rythme sportif, on réalise alors la difficulté de l'exercice pour certains. Un grand nombre d'entre nous en sont incapables. Encore plus quand il faut répéter l'exercice quotidiennement, pendant des jours. D'où la nécessité de bien planifier son voyage.

En ce qui me concerne, c'est le genre de parcours qui me plait. Je fais souvent — c'est-à-dire plusieurs fois par année — des trajets de plus de 1 500 kilomètres par jour, à une moyenne horaire assez élevée. J'aime ça. C'est mon «kif». Ce qui me rend heureux. J'aime me lever tôt, rouler à la fraîche, le matin, quand le soleil joue encore à cache-cache avec les collines, les montagnes et les forêts. Quand les villages sont encore endormis. Il suffit que le boulanger et le bistro du coin soient ouverts — en France, ce n'est pas un problème, ils sont aussi matinaux que moi — pour que je sois le plus heureux des hommes. Et je peux rouler jusqu'à la nuit tombée. Pourvu que je sache qu'un bon repas et un bon lit m'attendent. Pour le reste, j'ai ma provision d'antalgiques et d'antiinflammatoires. Et un bon habit de pluie. 

En vieillissant, je réalise que les voyages à moto sont ma bouffée d'air frais, mais surtout ma soupape de sécurité. Ils me permettent de passer à travers la vie et ses vicissitudes harmonieusement. Mais je me rends également compte que bientôt, je ne pourrais plus m'adonner à ma passion avec autant d'assiduité et d'entrain. C'est pour cela que j'essaie de faire le plus de voyages possible pendant que ma tête et mon corps me le permettent encore. Cette année, j'ai déjà passé une superbe semaine en Californie, sur des routes de rêve, près de trois semaines en France et en Espagne à l'occasion d'un voyage mémorable avec mes potes et dans un mois je partirais avec ma femme pour nos vacances. Nous irons dans les Alpes, sur la Riviera italienne (dans la région des Cinq Terres pour être précis), sur la Côte d'Azur, en Provence, dans le Sud-Ouest et dans le Périgord. Et si tout va bien, à l'automne, je retournerais en France et en Italie, à Milan, pour le salon EICMA. Au total, j'aurais parcouru plus de 20 000 km à l'étranger cette année à l'occasion de mes périgrinations, sans compter une dizaine de milliers de kilomètres ici. Ma thérapie se déroule bien… encore une année sans devoir enrichir un psy.

Petite pause au GP de Catalunya, en banlieue de Barcelone. Génial!
Alors, à la veille des vacances, n'hésitez pas. Partez à l'aventure en solo, en duo ou en troupeau, mais partez! Vous en reviendrez plus riches en souvenirs, en émotions et en expériences, mais surtout en plus grande forme. L'esprit libéré. Il n'y a rien de tel pour votre bien-être. On devrait militer pour que les voyages à moto soient remboursés par la sécurité sociale. ;-)

dimanche 28 avril 2013

Mort d’un motard voyageur*

Comment résister devant un tel spectacle? Photo © Didier Constant

Cette semaine j’ai appris une triste nouvelle. Un de mes amis de longue date, avec lequel j’ai écumé les routes et visité les grands salons européens au cours des dernières années, m’a déclaré qu’il abandonnait la moto parce qu’il n’avait plus la flamme. Ça m’a donné un coup terrible. Je suis resté les bras ballants. Aphone. La semaine précédente, il s’était inscrit à un camp de deux jours de l’école California Superbike School, à Las Vegas, pour y suivre les cours de niveaux 3 et 4. Il parlait alors d’acheter une moto neuve en France pour m’y accompagner à sa retraite et avait même réservé un voyage dans la Drôme, en septembre.

Que s’est-il passé dans sa tête en l’espace d’une semaine? Lui qui faisait de la moto depuis plus de 35 ans, comment a-t-il pu tirer si soudainement un trait sur une passion qui durait depuis si longtemps? S’est-il fait peur, au point de devoir renoncer? A-t-il réalisé qu’il ne prenait plus plaisir à conduire? A-t-il atteint ses limites? À moins que sa passion n’ait pas pu faire face aux aléas de la vie?

Personnellement, cette mort virtuelle m’a profondément atteint. Une passion qui s’étiole (ou qui se dément) c’est un peu comme une étoile qui s’éteint sans laisser de trace. Je me sentais aussi triste que si mon ami venait de décéder. Plus même. Car je ne trouvais pas de réconfort dans la croyance qu’il était parti en faisant ce qu’il aimait le plus au monde.

En fait, ça m’a amené à me questionner sur ma propre passion et à mettre en doute les certitudes que j’entretenais depuis des lustres. Après une longue introspection, je me suis rassuré sur l’authenticité et la vigueur de ma passion. Non seulement elle est intacte, mais surtout, elle est inextinguible. La moto est une vieille maîtresse de 40 ans. Depuis mes premiers tours de roue sur un vieux Solex acheté une misère et avec lequel j’ai ressenti mes premiers émois mécaniques. J’aime tellement la moto que j’ai abandonné une carrière dans la fonction publique pour une vie de motard vagabond. Une vie que j’adore et que je ne changerais pour rien au monde.

À mes débuts, je vivais pour rouler, comme beaucoup de mes congénères, mais, progressivement, ma passion a évolué et aujourd’hui je roule pour vivre. Au propre comme au figuré. En effet, la moto est mon gagne-pain, mais elle est aussi ma raison de vivre. Quand je reste plusieurs mois loin des routes, je me délite, je meurs à petit feu. Tout mon univers tourne autour de la moto. Même mes vacances sont tout entières dévolues à la moto. Elles sont une occasion supplémentaire de rouler, ailleurs, dans des contrées où voyager à moto est une aventure qui contraste avec les brimades que l’on doit endurer ici, au Québec, pour assouvir notre passion.

Pour être honnête, je dois avouer que les manigances de la SAAQ ont bien failli avoir raison de ma flamme. L’augmentation du coût des plaques et des permis m’a plus indisposé par son caractère injuste et arbitraire que par son coût économique. En fait, ces mesures m’ont surtout donné le sentiment d’être traité en citoyen de seconde zone et de n’avoir pas les mêmes droits que les automobilistes. Et je ne parle pas de l’état déplorable du réseau routier ni de la chasse aux sorcières orchestrée par les forces policières municipales et provinciales transformées en collecteurs de taxes publiques.

Mais revenons à nos motos... Avec l’expérience, j’ai appris à relativiser les risques reliés à la pratique de la moto. À vivre en paix avec le danger, ce compagnon de voyage sans lequel l’expérience ne revêt pas le même caractère, n’a pas la même saveur. C’est le sel de la vie, de la vie de motard en tout cas. Ne vous méprenez pas pourtant. J’adore la vie. Et je n’ai aucune velléité de départ hâtif. Il s’agit là d’un vrai paradoxe, car je sais qu’à moto les probabilités que ma vie prenne fin prématurément sont énormes. Mais sans risque, la vie n’a pas vraiment de sens, de justification. Et sans passion, la vie n’a ni chaleur ni relief.

À moto je sens, je ressens, je vis, je vibre, je rêve et je dérive. Je suis moi. Je suis la moto. Je suis la route. Je suis le paysage. Je suis l’aventure. Et c’est pour ces raisons que je plains les gens – surtout les motards – qui abandonnent leurs rêves, qui laissent la flamme de leur passion s’éteindre sans tenter de la rallumer. C’est à mon sens un terrible constat d’échec. Une petite mort. Et ça, c’est un vrai danger!

* Clin d'œil à Arthur Miller. J'espère qu'il me pardonnera l'emprunt ;-)