lundi 29 novembre 2010

Un nain au pays des Grands

Lors du dernier Grand Prix de la saison 2010, à Valence, en Catalogne, deux images aux antipodes l'une de l'autre m'ont marqué. D'abord celle de Jorge Lorenzo, prétentieux et clinquant, s'alignant sur la ligne de départ avec son casque recouvert de feuilles d'or et orné de 1800 cristaux Swarovski* et celle de Valentino Rossi, agenouillé, embrassant sa moto comme une vieille maîtresse avant leur ultime séparation.

Sans rien chercher à enlever au talent du Majorquin — il est sûrement le plus doué de la jeune génération des pilotes de MotoGP, avec Casey Stoner et Marco Simoncelli —, j'avoue ne pas avoir beaucoup d'estime pour lui. Je le trouve aussi arrogant que futile et je n'apprécie guère ses pitreries de sale gosse gâté qui suce sa Chupa Chups en parlant aux Grands.

En fait, je n'ai pas vraiment de respect pour l'homme. Qui confond humour et humiliation. Qui ne supporte pas que lors du GP de Valence — qu'il considère comme son GP national, même si la Catalogne possède un statut de communauté autonome, soit dit en passant —, Rossi ait eu plus de partisans que lui dans les tribunes. Au point de polémiquer sur le sujet dans une entrevue donnée à un grand magazine moto en arguant que ça s'explique simplement par le fait que Rossi est en MotoGP depuis plus longtemps que lui. C'est tellement petit!

En fait, il y a une bonne raison à la popularité de Rossi...

Que l'on aime ou non Vale, il faut bien reconnaître qu'il est aujourd'hui le SEUL pilote qui soit plus grand que le sport lui-même, comme on a pu le vérifier lors de son absence, à la suite de son accident. En dehors de son talent, lequel est immense, encore aujourd'hui, n'en déplaise à certains, Rossi possède une qualité qui fait défaut à Lorenzo, comme à Casey Stoner, Dani Pedrosa ou encore Nicky Hayden. Ça s'appelle le charisme. Un don que l'on qualifie comme l'autorité, l'ascendant naturel qu’exerce une personnalité sur autrui. Demandez à Giberneau ou à Biaggi ce que cela signifie. Ils vous l'expliqueront dans le détail.

Malgré son air supérieur et sa confiance affichée, Lorenzo subit la loi de Valentino, comme tous les autres pilotes du plateau. Et les spectateurs ne s'y trompent pas. Pas même les Espagnols et encore moins les Catalans. Demandez à n'importe quel amateur qui est le « patron » du MotoGP et il vous répondra immanquablement « Rossi! »

En plus de ne pas avoir de charisme, Lorenzo n'a pas de classe. Son attitude hautaine lors de l'absence de Rossi, ses propos indignes d'un coéquipier et sa condescendance, lors du retour de Valentino, témoignent d'une petitesse de caractère qui finira par lui jouer des tours. Je doute franchement qu'il devienne un jour le «Boss» du paddock.

Aujourd'hui, si je devais désigner un successeur à Rossi, je choisirais, dans l'ordre, Marco Simoncelli, Casey Stoner ou Ben Spies. Et je donnerais un accessit à Andrea Dovizioso.

En embrassant une dernière fois « sa » M1 — comme il l'a si souvent fait au terme de chacune de ses victoires à son guidon —, « Le Docteur » démontre sa passion, son amour de la moto. Il est de la famille des Giacomo Agostini, Phil Read, Kevin Schwantz, Mick Doohan, Mike Hailwood ou Barry Sheene. Des pilotes qui, à l'exception des deux derniers qui nous ont malheureusement quittés, continuent d'honorer la moto, d'être présents lors des courses de classiques ou de parrainer des événements. Des gentlemen qui roulent encore à moto, par pur plaisir et qui prennent le temps de rencontrer leurs fans et de signer des autographes, même s'ils ont depuis longtemps raccroché leur cuir.

Rossi fait partie de la race des Grands et il continuera de marquer les générations futures, tout comme ses prédécesseurs. Je ne suis pas sûr qu'il en soit de même pour Lorenzo. À moins que l'Espagnol change. Mais en est-il capable?


* la compagnie X-Lite peut fabriquer, sur demande, une réplique de ce casque à quiconque est prêt à débourser la modique somme de 12 000 €. Pour commander envoyer un e-mail à : lorenzoworldchampion@nolan.it

dimanche 7 novembre 2010

Décrocher la Lune...


Depuis mon retour de Milan, je ne cesse de penser à l'Europe. Comme si j'y avais laissé une part de moi-même. Il faut dire que la température y est belle, même en novembre, que la bouffe y est bonne, surtout en Italie et en France — un peu moins en Allemagne — que les filles y sont belles, particulièrement en Italie. Mais, par-dessus tout, les routes sont géniales et on peut y piloter une moto comme elle est supposée l'être.

Comme vous l’aurez deviné, j'ai adoré mon séjour à Milan, une fois de plus. C'est une ville sublime et animée. Magique! Et, cette année, un match de Coupe d'Europe entre le AC Milan et le Real de Madrid — deux des meilleurs clubs de foot du monde —, était disputé au stade San Siro pendant mon séjour. Que demander de mieux?

Quand on se promène dans les rues de Milan, les motos et les scooters sont partout. Ils dominent le trafic local. Et ils sont utilisés quotidiennement par des usagers de toutes origines sociales (on voit fréquemment des hommes et des femmes d'affaires circuler en deux roues motorisés, en costume ou en tailleur) et de tous âges, et ce, beau temps, mauvais temps. La majorité des scooters sont équipés de tabliers imperméables (pour protéger les jambes) et de manchons doublés (pour protéger les mains). Les pilotes sont parfaitement équipés pour combattre la pluie et le froid. Tout le contraire d'ici.

Et puis, il y a le salon EICMA (Esposizione internazionale del ciclo e motociclo). Si vous ne connaissez pas l'EICMA, il s'agit du plus important salon consacré aux cycles et aux motos au monde. Il est organisé à la Fiera Milano, à Rho, au nord-ouest de Milan. Imaginez un centre d'exposition tout neuf s'étalant sur près de deux kilomètres de long, avec une allée centrale bordée par une vingtaine de pavillons, chacun plus vaste que le Palais des Congrès de Montréal, dont une dizaine sont réservés uniquement à l'expo moto. Sept autres sont dévolus au « Moto Live », un espace participatif où l'on tient des essais routiers sur des parcours balisés et une multitude de démonstrations. On y retrouve même une piste de motcross où activités diverses et spectacles sont présentés pendant les cinq jours de l'exposition. Des dizaines de stands de restauration sont répartis sur le site, de même que des aires de repos et des bureaux de services destinés à renseigner les visiteurs. L'EICMA c'est énorme! Plus grand que nature.

Ajoutez à cela 45 708 exposants, dont près de 13 000 provenant de l'étranger, plus de 2 000 journalistes venus du monde entier et vous avez une petite idée de ce qu'EICMA représente. Sur la plupart des stands, vous découvrez des dizaines d'hôtesses charmantes — on est en Italie après tout — qui vous sourient avec grâce et vous font sentir comme si vous étiez un roi du pétrole, mais surtout des motos et des accessoires en abondance. Une variété de choix qui fait défaut de ce côté de l'Atlantique. Et qui justifie à elle seule le déplacement.

Si vous n'êtes pas encore convaincus de l'importance de l'EICMA, sachez que Silvio Berlusconi, le Président du Conseil de la République italienne — l'équivalent du premier ministre au Canada — accompagné de plusieurs ministres, était présent à la cérémonie d'ouverture du Salon. Je ne me souviens pas avoir vu Jean Charest ou un de ses prédécesseurs inaugurer le Salon de Montréal ou de Québec. Autres lieux, autres mœurs...



En 2010, le salon EICMA de Milan a battu des records d'assistance — les organisateurs annoncent plus de 500 000 visiteurs en cinq jours — et les constructeurs y ont présenté une foule de nouveautés et de prototypes. C'est de loin l'année la plus prolifique de la dernière décennie. Pourtant, un très petit nombre de ces machines seront importées au Canada, faute de débouchés suffisants, parait-il. À moins que ce ne soient les constructeurs qui font preuve de frilosité. Toujours est-il que cinq des huit motos dévoilées par Honda, dont la surprenante Crossrunner, ne viendront pas au pays. Ni la GSR750 de Suzuki, et encore moins la sublime MV Agusta F3 avec son tricylindre de 675 cc. Notre marché est trop petit et les customs y sont surreprésentées, ce qui nuit à l'essor des autres catégories de motos.

Pourtant, je me plais à rêver au jour où la moto prendra enfin la place qui lui est due au Canada. Au jour où nos dirigeants comprendront le rôle qu'elle peut jouer dans l'amélioration de la mobilité urbaine et de l'environnement. Au jour où nous pourrons rouler à l'Européenne, remonter les files de circulation et bénéficier de stationnements dédiés aux deux roues. Mais peut-être ne suis-je qu'un rêveur? Un rêveur qui commence à prendre de l'âge de surcroît. Ce qui ne m'empêche pas de vouloir décrocher la lune afin de vivre ma passion pleinement et permettre à d'autres d'en faire autant.