lundi 24 octobre 2011

Pourquoi es-tu parti Marco?



Aujourd'hui, je suis triste. J'ai à l'âme un mal terrible et au cœur une blessure profonde. Mon ami Marco Simoncelli — je l'appelle mon ami, même si je ne l'ai jamais rencontré, car nous partagions beaucoup de choses, dont une certaine communauté d'esprit —, mon ami Marco Simoncelli, dis-je, est parti. Seul! Sans m'attendre…

Il est allé rejoindre ses potes du Continental Circus céleste. À l'heure qu'il est, il doit être en train de se tirer la bourre avec Barry Sheene, Mike Hailwood, Jack Finley, Gary Nixon, Patrick Pons, Michel Rougerie, Christian Léon, Daijiro Kato, Shoya Tomizawa et tous les autres pilotes légendaires qui nous ont quittés trop tôt. Ils doivent passer leur temps à se faire des dépassements et des freinages d'enfer sur une piste de rêve au revêtement impeccable, avec des nuages vaporeux pour barrière protectrice.

En course, Marco portait le numéro 58. L'année de ma naissance. Et 5+8, ça fait 13, le jour de ma naissance! Et 1+3, ça fait 4, le jour de mon mariage, mais aussi de mon arrivée au Québec. Mes trois numéros fétiches : 58, 13 et 4… Ceux que je portais quand je jouais au foot ou au hand-ball, dans ma jeunesse. Trois numéros qui se réduisent à un seul chiffre, le 4. Dans la numérologie chrétienne, le 4 est le symbole de la famille, le nombre de l'organisation et du rythme parfait, mais aussi le symbole de la Terre ou de ce qui est terrestre. Chez les Amérindiens, c'est le chiffre de la perfection. Dans la mythologie grecque, c'est l'emblème de Jupiter, symbole de la totalité, considéré par les initiés comme la racine de toutes choses. Le chiffre de la double dualité.

En plus, Marco, c'est le prénom de mon frère puiné. Que j'adore. Quand je vous disais que nous avions plein de choses en commun Sic et moi… Et c'est sans considérer le fait qu'il était l'ami intime de Valentino Rossi, notre idole à tous les deux. Je vous le dis, il n'y a pas de hasard! 

«À 4 ans, on m’a offert une minimoto de cross et je tournais comme un fou dans la vigne derrière chez mes parents. Trois ans plus tard, j’ai eu une minimoto de piste. J’allais courir à Riccione avec mes amis. Dans ma tête, j’étais déjà en MotoGP !», déclarait récemment Marco dans une entrevue donnée au journal français Libération. Dans le même article, il reconnait avoir eu plusieurs idoles, dont Luca Cadalora, Kevin Schwantz, Wayne Rainey ou Eddie Lawson. Malgré tout, c'est Rossi qu'il préférait. Son compatriote. Son voisin. Son alter ego. «J’étais tifoso, maintenant je cours avec lui et nous sommes amis. C’est un honneur pour moi», poursuit-il.

Au moment de son départ, Marco occupait la sixième place du Championnat du monde MotoGP, à égalité de points avec Valentino. Et le dernier contact terrestre qu'il ait eu, c'est avec la roue avant de la Ducati de Vale. Cruelle ironie du destin!


Aujourd'hui, je suis seul. Comme des milliers de fans du 58. Nous ne verrons plus son visage d'ado attardé, avec un immense sourire vissé aux lèvres. Ni sa carcasse de grand échalas se dégingander dans le paddock, comme l'albatros de Baudelaire sur le pont des navires. Nous ne verrons plus ses bras trop grands faire des mouvements maladroits en tentant de nous expliquer, gestes à l'appui, pourquoi il s'est accroché avec Dani Pedrosa au Mans. Ni son afro improbable — je me suis toujours demandé comment il faisait pour rentrer cette tignasse en bataille dans son casque — flotter au-dessus de la foule, dans les puits. Nous ne le verrons plus se déhancher sur sa Honda trop petite pour lui, avec les bras et les jambes écartés à l'excès. Ni jouer des coudes en virage avec ses adversaires. Quoi qu'ils aient pu dire de lui, Pedrosa, Lorenzo, Dovisiozo (contre lequel il se battait depuis ses débuts en championnat italien de minimotos en 1996), ni même Stoner, qui l'accusait de trop écarter les jambes en course, vont s'ennuyer de lui à l'avenir. Ils vont trouver le MotoGP bien policé et bien terne en son absence.

Car si Marco était un clown par moment, c'était surtout un bagarreur génial. Un pilote qui ne lâchait jamais prise et ne renonçait pas. Quand la meute des critiques l'a accusé d'être un danger public, il est resté de glace. Convaincu en son for intérieur d'avoir posé le bon geste au bon moment. À l'occasion, on pouvait se demander si son casque n'exerçait pas une pression trop élevée sur son cerveau à cause de sa tonsure abondante, entraînant du coup une surchauffe neuronale. «En piste, les amis, ça n'existe pas», avait-il déclaré dans cette même entrevue. «Les autres, surtout les Espagnols, râlent car ils ne se sentent pas assez sûrs d’eux, se défendait-il alors. Moi, j’ai toujours été correct avec tout le monde.»

Simple, honnête, charmant, fantasque, Marco était aux yeux de ceux qui le côtoyaient quotidiennement, dont Fausto Gresini, son gérant d'équipe ou encore Carlot Penat, son gérant, un pilote au talent naturel, doué d'un potentiel énorme qu'il n'avait pas encore complètement exploité. Il nous restait encore le meilleur de Simoncelli à découvrir.

J'ai beau essayer de rationaliser ton absence, je me demande quand même pourquoi tu es parti Marco? Des chutes comme cette dernière, tu en as connu des centaines et tu t'en es relevé chaque fois, sans une égratignure. Même Dovi, ton adversaire de toujours le disait : «Marco était un pilote fort. Nous courrions ensemble depuis notre enfance. Je l'ai toujours vu pousser au maximum, il a chuté de nombreuses fois, mais il ne s'était jamais gravement blessé, il semblait invincible. J'ai encore du mal à réaliser ce qui est arrivé aujourd'hui.  Pourquoi a-t-il fallu que la trajectoire de ta moto en dérive recoupe celle d'Edwards et de ton pote Rossi? À quelques secondes près tu te serais retrouvé le cul dans l'herbe à te gratter la tête, te demandant ce qui s’était passé. Et tu serais reparti en marchant, le dos vouté, la tête basse, en faisant des grands mouvements de bras. Comme Don Quichotte en lutte contre les moulins à vent.

Tout le monde est sous le choc. Abasourdi. J'espère que là où tu es, tu penses un peu à nous. Ici, l'hiver va bientôt s'installer. La grisaille et le froid remplacent les beaux jours. Mais nous n'aurons plus ton sourire espiègle pour nous réchauffer le cœur. Tu nous manques déjà Marco!

Putain de mois d'octobre! Si tu savais comme je te déteste!

mercredi 5 octobre 2011

Vive la TIV!

(note aux lecteurs : Si vous n'habitez pas Montréal, vous risquez de ne pas aimer ce billet.)
(note aux lecteurs bis : Attention, ce billet peut contenir des traces de sarcasme!)



Depuis le 1er juillet 2011, la Ville de Montréal impose une nouvelle taxe à ses concitoyens, la TIV ou, en clair, la Taxe sur l’immatriculation des véhicules de promenade.

D’une somme de 45 $ pour une période de 12 mois, la TIV est applicable sur le territoire de l’agglomération de Montréal et est imposée aux résidants propriétaires de véhicules de promenade immatriculés.

Un véhicule de promenade est un véhicule automobile, autre qu'une motocyclette, un cyclomoteur ou un minibus, appartenant à une personne physique, utilisé principalement à des fins personnelles et aménagé pour le transport d'au plus 9 occupants à la fois lorsqu’aucun permis de la Commission des transports du Québec n'est exigé.

Cette taxe est perçue par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) au renouvellement annuel de l’immatriculation, à l’émission de nouveaux certificats d’immatriculation ou lors d'un déremisage.

La TIV m'inspire deux constats. Le premier, c'est qu'une fois encore, ce sont les victimes qui payent pour des actions dont ils ne sont pas entièrement responsables.

En effet, même si la population de Montréal a connu un regain dans les cinq dernières années (1 692 082 habitants en 2010), après 40 ans de décroissance soutenue (1 201 559 habitants en 1961 — 1 039 534 en 2001), hausse due principalement à l'immigration massive des dernières années, elle s'est montrée relativement stable durant cette période. À l'inverse, celle des banlieues (Laval, Ouest-de-l'Île, Rive-Sud, mais surtout les Laurentides) a explosé dans le même temps. Entraînant du coup un accroîssement massif du trafic urbain et périurbain, avec les conséquences que nous observons en ce moment.

Pourtant, dans leur grande sagesse, nos élus municipaux ont décidé de taxer les Montréalais — qui subissent les contrecoups de ces mutations, faut-il le rappeler —, au lieu, par exemple, d'imposer un droit de péage aux usagers venant de l'extérieur de la cité, comme le faisaient la plupart des villes au Moyen-Âge. Ces derniers ne profitent-ils pas de toutes ses infrastructures (en particulier les transports en commun qui seront les récipiendaires de la manne financière engendrée par la TIV) et de tous ses attraits, sans contribuer financièrement à son développement? Cette mesure serait nettement plus équitable et rentable, à mon avis.

L'autre constat que m'inspire la TIV, c'est que sans le savoir, ni le vouloir, les élus municipaux risquent de favoriser l'essor des deux-roues motorisés dans la métropole. En effet, les DRM étant exemptés de la TIV, de nombreux Montréalais pourraient être tentés de délaisser l'automobile au profit des DRM, l'été et des transports en commun, du partage de voitures, ou de la location, l'hiver ou lors de leurs déplacements hors de la ville. Ce que je fais par ailleurs depuis 2008.

Donc, même si je trouve la TIV injuste pour les Montréalais et mal adaptée à la réalité des problèmes qu'elle tente de corriger, je dis bravo! Toute mesure qui contribue au développement des DRM ou qui aide à ouvrir les yeux des élus et du grand public sur le rôle que les DRM pourraient jouer dans le développement urbain mérite d'être encouragée.

Si vous ne l'aviez pas encore deviné, je viens de recevoir l'avis de paiement pour l'immatriculation de l'auto de ma femme. ;-)