vendredi 30 mars 2012

Si vous avez un casier judiciaire, vous pourriez ne pas être assurable!

L'autre soir, à l'occasion d'un souper avec un ami qui dirige un bureau de services juridiques, la discussion dériva sur les problèmes qu'il avait rencontrés dans la journée au travail. Il avait en effet eu à traiter le dossier d'un chef d'entreprise réputé qui ne parvenait plus à s'assurer, ni personnellement (habitation, automobile), ni professionnellement, depuis que sa compagnie d'assurance avait découvert qu'il avait un casier judiciaire et qu'il ne l'avait pas déclaré.

Sur le coup, je suis resté abasourdi. Je me suis demandé en quoi le fait d'avoir un casier judiciaire pouvait avoir une incidence sur la capacité d'un individu à se faire assurer? D'autant que dans le cas précis, il ne s'agissait ni d'un dossier de vol, ni de fraude, auquel cas j'aurais pu éventuellement comprendre la tiédeur de l'assureur.

Ce que j'ai appris en discutant avec mon ami et à la suite de recherches sur Internet, c'est que les assureurs en général ne veulent pas de ce genre de clients. Qu'ils aient fait de la prison ou non n'a aucune importance. Et même si l'offense a été commise il y a de nombreuses années.

Apparemment, le défaut du client d'avertir son assureur d'une situation particulière pouvant influer son assurabilité (et là ça va bien au-delà du fait d'avoir un casier, ça peut simplement être d'oublier de déclarer la perte de points d'aptitude à son dossier de conduite) constitue une cause de résiliation de contrat. Ça ouvre la porte à l'arbitraire et aux abus selon moi, les assureurs pouvant prétexter un défaut de déclaration farfelu pour ne pas s'acquitter de leurs obligations.

À l'occasion d'un reportage de l'émission «La facture» à la chaîne de Radio Canada (émission 234, mardi 14 janvier 2003) sur le même sujet, un représentant du Bureau d'assurance du Canada (BAC) affirmait alors «que l'assuré est le seul responsable de la déclaration de tous les faits. Avoir des antécédents judiciaires, ça peut être pertinent à l'évaluation du risque, surtout quand on parle de vol». De plus, il déclarait ne pas voir l'utilité de poser cette question à l'ensemble des assurés, car elle «ne vise en fait qu'une minorité de gens».

Contrairement aux déclarations du représentant du BAC, un nombre élevé de personnes possède un casier judiciaire. Et ce nombre risque de grimper à la suite de l'adoption de la nouvelle loi du gouvernement fédéral sur la criminalité (loi C-10). Selon les statistiques, plus de 4 millions d'individus posséderaient un casier judiciaire au Canada (environ 20% des hommes et 5% des femmes) .

De plus, le fait d'avoir dans sa famille directe (individus vivant sous le même toit) une personne ayant un casier judiciaire rend tous les membres du foyer non assurables dans les faits (certaines compagnies vont couvrir de tels risques, mais à des tarifs prohibitifs).

Cette façon de faire, tout en étant discriminatoire, fait fi de la notion de réhabilitation. Un dossier très intéressant sur ce thème a été publié sur le site du magazine bimestriel «Reflet de société» publié par l'organisme communautaire «Le Journal de la rue» en 2006. Je vous invite à le lire et à me faire part de vos commentaires.

Le casier judiciaire et son impact sur les assurances personnelles
Publié le 28 novembre, 2006 par Raymond Viger

Autres liens pertinents:
Projet de loi C-10: pas de pardon, pas d'assurance
Chronique audio de Louis Cyr, Cabinet intergroupe Assurances
Courtier d'assurance spécialisé (dossiers compliqués)

lundi 19 mars 2012

Le temps de la coopération est sonné


Le 13 mars dernier, à l'occasion de sa dernière assemblée, la Commission sur le transport et les travaux publics (Ville de Montréal) a rendu publiques une quinzaine de recommandations pour un partage sécuritaire du réseau cyclable, lesquelles seront soumises à l'approbation du comité exécutif, puis du conseil municipal.

Parmi ces recommandations, plusieurs retiennent mon attention, à savoir le bannissement des scooters (électriques) des pistes cyclables et l'autorisation donnée aux vélos de rouler à contresens de la circulation. Dans son rapport, la Commission suggère même de permettre aux vélos de circuler sur certaines voies réservées aux autobus et aux taxis. Un droit que l'on nie aux motos, sous de fallacieux prétextes. Deux poids, deux mesures, alors que du côté de la SAAQ et de la Table des experts, on nous rebat les oreilles avec le principe d'équité entre les usagers de la route.

Ces recommandations démontrent néanmoins la capacité des différents paliers de gouvernement à modifier leurs règlements quand des groupes de pression forts et organisés réussissent à faire valoir leurs points de vue, arguments à l'appui.

Ainsi, l'automne dernier, la Commission a tenu trois séances de consultation afin de résoudre le problème de la saturation du réseau cyclable. Une cinquantaine d'interventions ont été présentées et 26 mémoires ont été déposés dont plusieurs par les représentants de l'industrie cycliste qui étaient présents en nombre.

Si ces derniers ont réussi au fil des ans à capter l'attention des élus locaux et à obtenir autant de ceux-ci, sans pour autant fournir une quelconque contribution financière à la SAAQ ou aux divers organismes spécialisés en transport, contrairement aux motocyclistes qui sont devenus au fils des ans la vache à lait de la SAAQ, c'est avant tout par leur capacité à rejoindre les élus et à faire pression sur ceux-ci pour obtenir gain de cause.

À Montréal, la Commission sur le transport et les travaux publics étudie toute question relevant de la compétence de la Ville et de l'agglomération en matière de transport et d'infrastructures des réseaux routiers. Elle se réunit plusieurs fois par année et ses travaux peuvent également porter sur l'étude de dossiers concernant le transport actif et collectif. Autant de domaines dans lesquels la moto pourrait jouer un rôle actif.

À mon avis, les motocyclistes ont tout à gagner à s'y faire entendre plus souvent, voire à y présenter des mémoires ou des études. Et le temps ne saurait être plus propice maintenant que le dossier des immatriculations est derrière nous. En fait, nous ne pouvons qu'encourager les représentants des motocyclistes, toutes organisations confondues, incluant le CIMC (Conseil de l'industrie de la motocyclette et du Cyclomoteur), l'AMMQ (Association des marchands de motos du Québec) et le FCM (Front Commun Motocycliste) à mettre de la pression sur les pouvoirs publics. À ce sujet, le FCM est en train de former un comité sur l'utilisation de la moto comme moyen de transport. Un thème qui risque d'être au centre des débats à venir, avec le bruit et la sécurité. Gageons que ce comité aura à cœur de se faire entendre par la Commission, par la SAAQ et par les élus.

L'autre geste à poser serait d'engager un lobbyiste d'envergure à temps plein et de lui confier des mandats précis afin de faire avancer la cause des motocyclistes auprès des autorités publiques. Un spécialiste des relations avec les administrations qui passerait le plus clair de son temps à rencontrer les élus locaux (municipaux, provinciaux, fédéraux), les chefs de partis, ou les députés de toute allégeance afin de les sensibiliser à nos problématiques. Je suis persuadé que si nous parvenions, au Québec, à trouver un activiste de talent, à bien le rémunérer et à lui confier la gestion de certains dossiers vitaux, notre cause progresserait plus rapidement. Il est certain que le FCM ne peut, en tant qu'organisme à but non lucratif, rémunérer à lui seul un lobbyiste. Mais avec l'aide d'autres organisations, dont celles citées plus haut, il y aurait certainement moyen de récolter suffisamment de fonds pour y parvenir. Je sais qu'il s'agit là d'un vœu pieux, mais il faut bien commencer quelque part et élaborer des alternatives constructives aux démonstrations sans lendemain.

Au cours des dernières années, j'ai été étonné du peu d'implication des motocyclistes québécois. Nous sommes près de 140 000 selon les chiffres officiels et il aurait suffi que le quart d'entre nous soutiennent les diverses actions qui ont été menées pour qu'on obtienne gain de cause plus rapidement. Voire obliger la SAAQ à faire volte-face. Même chose pour l'industrie (CIMC, AMMQ) qui s'est réfugiée derrière une position corporatiste et a refusé de prendre une part active dans le dossier. Ou d'apporter un peu d'aide financière pour soutenir le mouvement.

En fait, tant que toutes les personnes impliquées de près ou de loin ne se fédèreront pas et ne travailleront pas dans le même sens, nous serons tous à la merci des politiciens et des fonctionnaires. Et nous n'aurons que nous-mêmes à blâmer pour l'érosion de notre passion.

Source : La Presse (15 mars 2012) — Feu vert aux vélos à contresens? par Karim Benessaieh

samedi 3 mars 2012

Motojournaliste, pour vous servir!

Après plusieurs tours du circuit de Las Vegas derrière Freddie Spencer, j'ai réalisé qu'il était vraiment un «extraterrestre» comme tous les pilotes de son niveau et que je ne lui arriverais jamais à la cheville. En attendant, je me console en me disant que je manie mieux la plume et l'objectif que lui. À chacun son métier et les vaches seront bien gardées.





Au début de ma carrière, quand quelqu'un me demandait quel métier j'exerçais, je répondais invariablement – et avec une certaine fierté, je dois bien l'avouer – «Journaliste!» Pour moi la réponse coulait de source. C'était une évidence. Je ne voyais pas comment décrire ma profession autrement et j'avais le sentiment de faire partie d'une grande confrérie.

Mais, pour la plupart de mes interlocuteurs, cette réponse ne semblait pas satisfaisante et ils me demandaient toujours de préciser.

– «Dans quel secteur?»

C'était alors le début d'un interrogatoire en règle dont je ne saisissais pas toujours le but ou le sens.

– «Je suis journaliste sportif!»

– «Ah! C'est intéressant!» me rétorquait alors mon interlocuteur sur un ton blasé qui laissait deviner une soudaine baisse d'intérêt de sa part. L'attention manifestée au début de l'échange faisait place à une curiosité parfois malsaine…

– «Et quel sport couvrez-vous?»
– «La moto.»

Le silence qui suivait habituellement cette dernière réplique était éloquent. À ce moment précis, je réalisais le désarroi de mon vis-à-vis qui ne parvenait plus à cacher son désintérêt, sa gêne, voire son mépris dans les cas extrêmes. En de très rares occasions, j'avais affaire à un maniaque de moto et la discussion pouvait se poursuivre pendant des heures. Mais il s'agissait d'une exception.

À l'époque, la situation me blessait. Pour moi, tous les journalistes, quel que fût leur domaine d'activité, méritaient ma considération et mon estime. Et c'est encore le cas aujourd'hui d'ailleurs. Je ne fais pas de distinguo entre le mérite d'un correspondant de guerre et celui d'un journaliste politique ou d'un journaliste sportif. Les conditions dans lesquelles chacun d'eux exerce son métier sont différentes, les risques qu'ils prennent sont sans commune mesure selon leurs sphères d'activité, certaines étant plus prestigieuses que d'autres, j’en conviens. Mais, fondamentalement, les qualités requises pour effectuer leur métier au plus haut niveau sont les mêmes, l'éthique de travail identique et l'impact sur leur milieu respectif souvent aussi important.

Je pensais candidement qu'on pouvait devenir reporter de guerre ou motojournaliste sur un coup de dé — on ne choisit pas toujours ses premières affectations quand on est jeune plumitif et celles-ci sont souvent déterminantes pour notre avenir — ou à la suite d'un choix personnel basé sur un intérêt marqué pour une discipline — le sport en général et la moto en particulier, dans mon cas —, mais certes pas à la suite d'une démarche carriériste, laquelle est rarement productive.

Pour ces raisons, je ne comprenais pas que certaines personnes puissent tenter d'établir une hiérarchie entre les journalistes en fonction de leur champ d'action. Que l'on essaie de nous classer en fonction de notre talent ou de notre probité, soit, mais pas sur d'autres bases. Ça n'a pas de sens.


Départ d'une séance de piste mémorable avec Kevin Schwantz à Barber Motorsorts Park.


Aujourd'hui, je ne me livre plus à ce type d'interrogatoire. À la question initiale, celle posée en début d'article, je réponds simplement «Motojournaliste. Et vous?», ce qui a pour effet de laisser mon inquisiteur aphone. Je ne lui donne plus l'occasion de chercher à minimiser ce que je fais ou à établir une quelconque hiérarchie. Les rôles sont inversés. C'est à lui d'essayer de m'épater.

J'exerce ce métier depuis 1985 et au cours des 27 dernières années j'ai eu la chance de piloter les meilleures motos du marché, de voyager dans des pays exotiques, de rouler sur des circuits de légende au guidon de motos d'exception.

Durant cette période, j'ai aussi côtoyé certains des plus grands pilotes de notre sport, des gens comme Agostini, Sheene, Schwantz, Spencer, Mamola, Sarron, Duhamel (les trois, Yvon, Miguel et Mario) et des dizaines d'autres que je n'ai pas la place de tous nommer ici. Je suis devenu ami avec certains d'entre eux, j'ai joué les passagers d'infortune avec d'autres et au moins trois grands champions (Mercier, Spencer et Schwantz) ont essayé de m'enseigner ce qu'ils savaient et de m’insuffler une infime partie de leur immense expérience. Pourtant, je les respecte tous également, quel que soit le championnat dans lequel ils ont évolué, les titres qu'ils ont remportés, la notoriété qu’ils ont acquise.

J'ai également interviewé des centaines de gens du milieu, promoteurs, directeurs d'équipe, ingénieurs, mécaniciens, mais aussi des sans-grade, toujours avec le même intérêt, la même passion, le même professionnalisme. Par respect pour eux, mais surtout pour moi. Car je ne sais pas comment faire autrement. C'est avant tout leur personnalité qui m'intéresse et leur façon particulière de transmettre leur passion. Ils ont tous, à leur manière, contribué à écrire la légende de la moto. Cette histoire que j'essaye de raconter avec plus ou moins de talent depuis des lustres.

Aujourd'hui, je peux partir tranquille, même si je n'en ai pas forcément envie. Je n'ai rien à envier à personne. Ni rien à prouver à quiconque, si ce n'est à moi-même.

Ainsi, demain, si vous me demandez quel métier j'exerce, je vous répondrais simplement «Motojournaliste!», sans plus. Car vous, je vous aime bien et je sais que votre question ne sera pas malicieuse. Pour les autres, je rajouterais : «Et vous... Que faites-vous?»