lundi 14 septembre 2009

Les motos de Panurge

J'ai toujours été un solitaire. Pour paraphraser Groucho Marx, j'admets que « je ne serai jamais membre d'un club qui m'accepterait pour membre ». Pas par snobisme, mais par choix. Par conviction. Je suis ce que certains appellent avec mépris un « loner ». Comme si le fait d'aimer faire les choses seul, à ma façon et selon mes propres principes était condamnable. Je n'aime pas me réfugier à l'intérieur d'un groupe qui penserait pour moi ou me demanderait d'agir selon des préceptes auxquels je n'adhère pas totalement. Même si, ce faisant, je m'absolvais de la responsabilité de mes actes et j'étais protégé par la force du groupe. Mais ça ne m'empêche pas d'être solidaire et d'apporter ma pierre à l'édifice quand je l'estime nécessaire ou quand je pense que ça peut faire avancer les choses. Les deux attitudes ne sont pas incompatibles. Loin de là.

En fait, j'ai toujours jalousement protégé mon libre arbitre. Je fais tout pour le préserver. Dans ma vie sociale, comme dans la pratique du motocyclisme. Je roule le plus souvent en solo, par goût, en assumant les choix que je fais et les risques que je prends. Je ne demande à personne d'autre d'endosser mes décisions et je refuse que quiconque m'impose les siennes. Quand je roule avec des amis, nous le faisons chacun à notre rythme. Si j'ai envie de rouler vite, je pars devant et j'attends les autres lorsqu'un embranchement s'annonce. À l'inverse, si le rythme est trop rapide pour moi, je laisse les autres partir en avant et je les retrouve plus loin, plus tard. Parfois, nous roulons ensemble, à la même cadence, toute la journée. Mais jamais par obligation. Ni par convenance.

Durant mes vacances, j'ai été témoin d'un incident qui m'a conforté dans mon opinion et m'a montré le chemin qu'il nous restait à parcourir pour éduquer les motocyclistes, néophytes ou non. Et changer nos façons de faire.

Dans la grande côte située à la sortie de Baie-Saint-Paul, sur la route 138 ouest en direction de Québec, un groupe d'une quinzaine de motos roulait en formation compacte, à 85 km/h (sous la limite permise) dans la voie de gauche (en principe réservée aux dépassements). Dans celle de droite, un camion parvenait péniblement à conserver la même allure, en essayant de garder son élan et de se rendre en haut de la cote sans devoir rétrograder ou ralentir. Ce manège dura quelques kilomètres. Le groupe n'accélérait pas le rythme et se maintenait à la hauteur du semi-remorque. Derrière, la file d'attente s'allongeait. Irrémédiablement. L'impatience des usagers — à moto ou en auto — croissait. Les klaxons commençaient à se faire entendre et, soudain, un automobiliste excédé dépassa le groupe en coupant la double ligne jaune. En pointant un majeur furieux vers le ciel. Visiblement hors de lui. Et avec raison, dois-je dire. Moi-même je commençais à fulminer. Et à avoir honte d'être assimilé à ces zigotos dans l'esprit des gens. Quelques secondes plus tard, un motocycliste décida de se frayer un chemin entre les motos, zigzaguant furieusement entre elles et semant la panique dans le groupe. Lequel, ébranlé par l'expérience, finit enfin par accélérer un peu et se rabattre dans la voie de droite.

Ce genre de comportement, qui est inexcusable et dégénère rapidement en cas de rage au volant, aurait pourtant pu être évité si les motocyclistes avaient augmenté le rythme suffisamment pour dépasser le camion et se rabattre à droite. Ou si le groupe s'était scindé en petits sous-groupes de trois ou quatre motos, permettant ainsi aux autres usagers de doubler et de s'insérer naturellement dans le trafic.

Si nous conduisons comme des moutons de Panurge, nous allons finir comme eux. C'est inévitable. Si nous voulons survivre, dans la circulation, comme dans la société, il va falloir nous débarrasser de notre instinct grégaire. Mettre un terme à la pensée de groupe. Réapprendre à penser et à agir par nous-mêmes. Et assumer nos décisions. Mais, surtout, il va falloir arrêter de penser que la route nous appartient et commencer à nous comporter responsablement.

3 commentaires:

Ugo a dit…

Rouler en groupe peut être quelque chose d’exaltant. J’ai goûté à ces joies lorsque je faisais partie du club VFR et que nous partions environ une cinquantaine explorer les régions. Mais en général, je n’ai pas vraiment l’esprit grégaire. Le problème, selon moi, c’est qu’il y a une infinité de manières de voir la moto. Et qu’en roulant, bien peu de gens s'entendent vraiment. Pour moi, c’est toujours trop lent ou trop vite. Et si je suis le leader, j’éprouve un stress à l’idée qu’on me trouve trop lent ou trop vite (quoiqu’avec mon patron, je n’aurai jamais peur qu’il me trouve trop vite…). Plusieurs viennent au sport motocycliste comme on s’inscrit à un club de quilles. La moto semble un prétexte pour faire des rencontres et jaser. C’est une vision de la moto comme une autre, j’imagine. Ils savent déplacer une moto du point A au point B certes, mais… rouler en groupe, c’est multiplier les chances d’accrochages et de complications, surtout si on n’est pas un fin pilote avec une bonne dose d’expérience et de sérieux.

Anonyme a dit…

Nous ne savons pas rouler seuls. Alors imaginez ce que ça donne en groupe. Ajoutez à ça les erreurs collectives qui sont une des caractéristiques des comportements de groupe et vous obtenez un cocktail explosif.

Les clubs et les associations devraient encourager leurs membres à ne pas rouler en meute. À scinder le «troupeau» en sous-groupes de 5 motos, au grand maximum, séparés de plusieurs centaines de mètres les uns des autres... Ça serait un premier pas dans la bonne direction. Ne croyez-vous pas?

PatGSX45 a dit…

Selon une nouvelle publiée sur SurchUR.com, des membres du club Brothers Speed (une association de motards criminalisés américains dont le siège social est à Portland en Orégon) auraient été impliqués dans un carambolage monstre le 19 septembre dernier, sur l'Interstate 5, près de Wilsonville, en Orégon.

Le groupe de 26 motards circulait en formation serrée quand la circulation s'est brusquement arrêtée devant eux. Les premiers du groupe ont réussi à éviter les voitures immobilisées, mais une douzaine d'autres les ont embouties, faute de place pour tenter une manœuvre d'évitement…

Une portion de l'autoroute a été fermée à la suite de cet accident qui a fait deux blessés graves et huit blessés légers chez les motards.